|
Qui est vraiment Jésus-Christ ? Témoignages de l’histoire et du Nouveau Testament (1ère partie) |
Introduction :
Certes, nous connaissons bien le contenu de son enseignement, mais savons-nous qui est Jésus ? Ce nom a été donné par Joseph (cf. Matthieu 1 : 21) et Marie (cf. Luc 1 : 31, 26) selon les instructions qu’ils ont reçues d’un ange nommé Gabriel. Le nom de Jésus était très courant à cette époque (en hébreu Yechoua et en Grec Ièsous). Ce nom est rattaché à une racine hébraïque qui signifie sauver, délivrer. Il exprimait en premier lieu la foi des parents en un Dieu qui délivre en toutes circonstances. Marc introduit son évangile par ces mots : « Commencement de l’Evangile de Jésus-Christ » Marc 1 : 1. Le Christ (Christos en grec) est celui qui est oint. Il rappelait la caractéristique du Messie à venir. Jésus serait donc son nom personnel, et Christ serait son nom de mission. Mais Jésus portera encore plus de trente noms différents suivant les circonstances (cf. La nouvelle Bible Segond, éd. 2002, p.147). Aussi curieux que cela puisse paraître, la personne de Jésus-Christ est difficile à cerner avec certitude…
Développement :
1) Ces dernières années, quantité de travaux ont eu pour finalité de prouver que le personnage de Jésus était un mythe. Pour parvenir à nier l’historicité du personnage, il a fallu nier la véracité des propos venant des auteurs classiques ayant vécu dans le monde romain. Ainsi Tacite, historien et sénateur romain (58-120) a bien mentionné dans ses écrits la présence à Rome de gens « détestés pour leurs turpitudes, que la foule appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice » (1). Mais cette mention ne fut ajoutée, disent les critiques, qu'en 1429 par le secrétaire papal, le Pogge (premier éditeur des "annales" de Tacite) et ne figure pas dans les traductions et copies antérieures. Cette interpolation (falsification) a été fabriquée disent les érudits, d'après un texte de Sulpice Sévère, un médiocre historien de la fin du quatrième siècle. Que le siège de la chrétienté soit falsificateur de témoignages prouvant l’historicité du Christ, cela peut paraître tout aussi contestable et ne paraît pas sérieux.
Il en va de même pour l’écrivain latin et homme politique, Pline le jeune (61-114). Ecrivant à l’empereur romain Trajan, il exprime sa perplexité de voir des chrétiens « qui chantent un hymne au Christ comme à un Dieu » (2). Et Pline le jeune aurait demandé à son empereur ce qu’il fallait en penser. La critique rétorque que cette lettre est un faux. Il aurait été présenté vers 1500 par un italien du nom de Girardo di Verona. Décidément tous les faux viennent d’Italie !
2) Dans la littérature religieuse, nous retrouvons le même système de défense : nier la véracité du propos. Il en est encore ainsi avec l’historien juif Flavius Josèphe. Ce dernier parle de troubles à Jérusalem. Ils auraient éclaté à cause de l’arrivée de drapeaux à l’effigie de l’empereur. Pilate les aurait fait venir de Césarée. Ses troupes les auraient introduits de nuit à Jérusalem. Ces représentations étant contraires aux lois juives, le soulèvement prit une grande ampleur. Et Flavius de poursuivre par ses mots : « en ce même temps était Jésus, qui était un homme sage, si toutefois on doit le considérer simplement comme un homme, tant ses œuvres étaient admirables. Il enseignait ceux qui prenaient plaisir à être instruits de la vérité, et il fut suivi non seulement de plusieurs Juifs, mais de plusieurs Gentils : c’était le Christ. Des principaux de notre nation l’ayant accusé devant Pilate, il le fit crucifier. Ceux qui l’avaient aimé durant sa vie ne l’abandonnèrent pas après sa mort. Il leur apparut vivant et ressuscité le troisième jour, comme les saints prophètes l’avaient prédit et qu’il ferait plusieurs autres miracles. C’est de lui que les Chrétiens, que nous voyons encore aujourd’hui, ont tiré leur nom. » (3) Mais pour la critique ces phrases auraient été rajoutées par Eusèbe de Césarée (265-340) soit près de deux siècles plus tard (4). Faire d’Eusèbe de Césarée un faussaire, alors que ce dernier est mort martyr pour sa foi, semble invraisemblable. Mais, chacun se fera son point de vue.
Mentionnons encore la référence à l’homme Jésus (la plus importante) dans le Talmud de Babylone. « La tradition rapporte : la veille de la Pâque, on a pendu Yeshu. Un héraut marcha devant lui durant quarante jours disant : il sera lapidé parce qu’il a pratiqué la magie et trompé et égaré Israël. Que ceux qui connaissent le moyen de le défendre viennent et témoignent en sa faveur. Mais on ne trouva personne qui témoignât en sa faveur et donc on le pendit la veille de la Pâque. Ulla dit : — Croyez-vous que Yeshu (dans les éditions plus tardives - Yeshu Hanotsri) était de ceux dont on recherche ce qui peut leur être à décharge ? C'était un séducteur ! Et la Torah dit : tu ne l'épargneras pas et tu ne l'excuseras pas (Deutéronome 13,9)… Une tradition rapporte : Yeshu avait cinq disciples, Mattai, Naqi, Netser, Boni et Todah » (5). D’autres textes parlent encore de la mort de Jésus. (cf. Sanhédrin 43 a ; 103a ; Berakhot 17a). Ailleurs, Jésus est traité de sorcier, de magicien et de séducteur du peuple (cf. Sanhédrin 107b et Sotah 47 a). Il existe d’autres mentions plus laconiques, mais l’historicité de l’homme Jésus est avérée.
En fait, nul historien sérieux ne remet en doute l’historicité du personnage de Jésus de Nazareth. Les indices, recueillis dans les ouvrages cités, confirment leur lien avec les éléments historiques du temps où Pilate était gouverneur en Judée. Jamais mythe n’aurait pu avoir un tel impact dans les consciences et dans les cœurs. De plus, les écrits des apôtres, de Luc et de Paul sont trop près des évènements pour être inventés de toutes pièces. Quand l’apôtre Paul parle de la résurrection de Jésus, il peut asseoir la réalité historique de ce fait capital par de nombreux témoignages de personnes encore vivantes au moment où il parle (cf. 1 Corinthiens 15 : 3-9). Si l’historicité de Jésus de Nazareth est établie solidement, cela ne signifie pas pour autant que sa personnalité est facile à cerner. Que nous disent les évangiles ?
3) Jésus un enfant semblable aux autres ? Nous dirions aujourd’hui, Jésus est un enfant normal, sans signe extraordinaire distinctif. Il est né entre les années -7 et -4 (6). Marie donne naissance à cet enfant qu’elle appelle Jésus (Yeshoua en hébreu= Dieu sauve). Précisons que le Christ n’est pas né en l’an 0, pas plus qu’un 25 décembre, jour très symbolique du solstice d’hiver. Mais, première surprise, il est impossible de donner la date exacte de sa naissance. Les historiens indiquent qu’Hérode le Grand est mort en l’an -4. Donc, d’ après l’évangile selon Matthieu (cf. Matthieu 2 : 1), Jésus serait né avant cette date, mais combien de temps avant ? Personne ne peut le dire. Nous retrouvons la même difficulté avec la date de sa mort. Par regroupement d’indices, la plus grande probabilité est de fixer la date de sa crucifixion lors de la Pâque juive en l’an 30. Ce qui fait que Jésus aurait vécu au moins 35 ans (c’est la probabilité la plus basse). On peut dire que tout cela n’est pas important, mais il faut toutefois reconnaître qu’il est difficile d’établir une chronologie exacte de la vie du Christ.
Pour revenir à la naissance de Jésus, pourquoi l’évangéliste Matthieu dit que l’ange enjoint à Joseph d’appeler l’enfant Jésus, alors que la prophétie qu’il cite (cf. Esaïe 7 : 14 ) mentionne le nom d’Emmanuel ? Pourquoi ne s’est-il pas appelé Emmanuel ? Le même rouleau d’Esaïe mentionne par ailleurs : « car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule ; on l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » Esaïe 9 : 6. Les avis convergents pour dire que Matthieu a voulu souligner l’origine divine du Christ dès le début de son évangile. A la question posée en tête de chapitre, nous pouvons répondre que Jésus se présente comme un enfant ordinaire sous les traits communs à tous les enfants du monde. Mais la signification du nom d’Emmanuel « Dieu avec nous, Matthieu 1 : 23 », nous renvoie aussi au fait qu’il a été conçu du Saint-Esprit (cf. Matthieu 1 : 20). En cela, Jésus n’a pas été un enfant semblable aux autres. N’est-il pas curieusement appelé fils de David par Matthieu « fils de David, fils d’Abraham » Matthieu 1 : 1. Cette double nature, humaine et divine, va transparaître tout au long de sa mission terrestre. Elle sera difficilement acceptée. Il est vrai qu’elle ne peut s’accueillir que par la foi.
4) L’enfance de Jésus.
Les parents de Jésus forment un couple avant tout spirituel. Joseph est un homme d’âge mûr, certainement très spirituel, ouvert à l’esprit de Dieu. Matthieu le qualifie d’homme juste. C’est un manuel. Certainement un homme simple du peuple. Il est un lointain descendant de David (cf. Mathieu 1 : 19-20 ; 13 : 55). Marie est une jeune fille adolescente spirituelle. Elle accueille par la foi tout ce que l’ange Gabriel va lui révéler à propos de la naissance d’un fils. Tout au long de son chemin, elle est admirable de foi, même quand elle semble déroutée par l’attitude de son fils. C’est une mère aimante que l’on retrouve devant la croix (cf. Luc 1 : 26-56 ; Matthieu 12 : 46-50 ; Jean 19 : 27-28).
A la mort d’Hérode le Grand, les parents de Jésus viennent s’établir à Nazareth (cf. Matthieu 2 : 19-23). De retour d’Egypte les parents de Jésus ont accompli ce qu’ordonnait la loi (certainement le rite de la circoncision) et sont retournés en Galilée, à Nazareth. Luc précise « leur ville » Luc 2 : 39. Même si la Galilée est sous domination romaine, elle présente beaucoup d’attraits. C’est une région agréable à vivre, mais qui pour des raisons historiques, n’a pas bonne réputation. De plus Nazareth est une route de passage. Elle est souvent empruntée quand on vient du Nord. La réplique faite à Nicodème est significative à ce sujet : « Serais-tu de Galilée, toi aussi ? Cherche bien et tu verras que de Galilée il ne sort pas de prophète » Jean 7 : 52, version TOB. (Cela expliquerait, en partie, le mépris des responsables religieux de Jérusalem pour ce Jésus provincial issu d’une région méprisée).
Nous n’avons pas beaucoup de précisions sur l’enfance de Jésus. Luc nous dit simplement : « l'enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. » Luc 2 : 40. On suppose que Jésus n’a pas été scolarisé plusieurs années, car il fut assez tôt associé à son père qui exerçait le métier de charpentier (cf. Matthieu 13 : 55). La surprise de ses auditeurs, quand il commencera à enseigner dans les synagogues, est significative : « N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous ? » Et il était pour eux une occasion de chute. » Marc 6 : 3, version TOB. Toutefois, Jésus parlait l’araméen, la langue commune du peuple. Il devait certainement avoir aussi la connaissance de l’hébreu (Cf. sa lecture au temple de Jérusalem devait être en hébreu, écriture officielle des textes de la loi et des prophètes) et peut-être connaissait-il quelques éléments de langue grecque. Une chose est certaine : Il sait lire couramment. C’est ce que rapporte Luc quand il nous fait retrouver Jésus, à douze ans, au temple de Jérusalem, à la fête de Pâque. L’élite religieuse, réunie à cette occasion dans le haut lieu spirituel de la nation (cf. les docteurs), fut frappée par son intelligence et ses réponses. (cf. Luc 2 : 46-47). Jésus a déjà conscience de sa mission, il réplique à ses parents : « pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ? Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. » Luc 2:49-50
5) Jésus fait partie d’une fratrie.
Il a quatre frères et des sœurs qui ne sont pas nommées (cf. la tradition parle deux sœurs). Cela fait une belle famille. Comment concilier cette réalité avec la virginité de Marie attestée par Matthieu et Luc ? Les théologiens et historiens présentent deux possibilités. Compte tenu de l’âge de Marie, adolescente à la foi affirmée, il est possible que ces enfants soient ceux de Joseph (car on suppose qu’il était beaucoup plus âgé que Marie) lors d’un premier mariage. L’église orthodoxe enseigne que Joseph était déjà veuf au moment de ses fiançailles (cf. Cette argumentation repose sur des apocryphes, en particulier un pseudo évangile de Jacques, datant fin 2è siècle). Mais si on tient à la virginité de Marie, cela fait un peu désordre de lui donner comme époux, un homme qui a déjà été marié. Ce serait ces deuxièmes noces, c’est peu conventionnel, aussi préférons-nous une deuxième solution. Elle paraît plus naturelle et plus conforme à la logique de l’histoire. Joseph et Marie auraient eu, après Jésus, plusieurs enfants. « Joseph s'étant réveillé fit ce que l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui. Mais il ne la connut point jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » Matthieu 1 : 24-25 . Que Jésus soit l’aîné semble ressortir de l’ascendant que Jésus prit sur ses frères et sœurs (cf. Marc 3 : 31-35). Très vite Jésus a mis une certaine distance entre sa famille et son ministère. Des relations nouvelles apparaissent. Le Christ est tout entier dans sa mission. Toutefois, nous voyons la famille réunie après le miracle des noces de Cana à l’ exception de Joseph (la tradition chrétienne en a déduit que Joseph serait décédé avant que Jésus ne commence son ministère public). Ils repartent tous avec Jésus vers Capernaüm (cf. Jean 2 : 12). Ce n’est pas pour autant que toute la famille soutient le projet spirituel du Christ. Souvenons-nous de l’altercation entre Jésus et ses frères : « la fête des Juifs, la fête des Tabernacles, était proche. Et ses frères lui dirent : pars d'ici, et va en Judée, afin que tes disciples voient aussi les œuvres que tu fais. Personne n'agit en secret, lorsqu'il désire paraître: si tu fais ces choses, montre-toi toi-même au monde. Car ses frères non plus ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit : Mon temps n'est pas encore venu, mais votre temps est toujours prêt. Le monde ne peut vous haïr ; moi, il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises. Montez, vous, à cette fête ; pour moi, je n'y monte point, parce que mon temps n'est pas encore accompli. Après leur avoir dit cela, il resta en Galilée. Lorsque ses frères furent montés à la fête, il y monta aussi lui-même, non publiquement, mais comme en secret. » Jean 7 : 2-10.
La famille et en particulier ses frères voulaient que le Christ se montre au grand jour, mais Jésus leur résista. Leur critique reposait sur le fait qu’il agissait en secret, et pourtant c’était précisément son intention. C’est pourquoi il se rendit seul à Jérusalem. Mais la famille sera ensuite rassemblée après son ascension. De retour à Jérusalem nous les retrouvons avec les apôtres et les disciples dans la chambre haute : « tous d'un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, et Marie, mère de Jésus, et avec les frères de Jésus. » Actes 1 : 14
Nous savons que l’un de ses frères, Jacques, jouera un rôle éminent à Jérusalem. C’est lui qui dirigera la communauté chrétienne de Jérusalem. C’est à lui que l’apôtre Pierre rend compte de ce qui lui est arrivé quand il est miraculeusement sorti de prison (cf. Actes 12 : 17). C’est lui qui anime les débats lors du premier concile à Jérusalem (cf. Actes15 : 13).
Conclusion :
Ce rapide survol des principaux éléments de l’existence de l’homme Jésus de Nazareth amène plusieurs remarques. Celle qui vient naturellement concerne le peu d’écho de l’histoire de Jésus parmi les historiens du monde gréco-romain. C’est presque un fait divers. Par contre, cette constatation est conforme à l’ensemble de la Révélation divine. Dans le sens que Dieu permet qu’il en soit ainsi pour que la foi puisse s’exprimer. Il y a suffisamment d’éléments pour ceux qui veulent croire et autant pour ceux qui veulent douter. Le choix est entier. Il en va de même quand on prend connaissance des silences sur la vie de Jésus. Nous aurions aimé avoir des renseignements sur Joseph, sur l’origine de la famille de Jésus, sur son enfance, sa relation avec Joseph au travail des charpentes etc. Si nous devons nous contenter du peu d’indices, c’est peut-être pour attirer notre attention sur la singularité du personnage Jésus de Nazareth et surtout sur sa mission. Si notre curiosité est en disette, notre foi par contre est constamment sollicitée. L’expérience personnelle dans notre relation à Dieu montre que c’est pédagogique et constructif. Notre esprit est captivé par l’essentiel. Ce qui ne veut pas dire que l’on comprend tout, mais les évangiles agrègent suffisamment de données pour rendre notre foi vivante et permanente. Nous verrons la prochaine fois que la personnalité du Christ est loin d’être facile à cerner…
PS : (1) "comment Jésus est devenu Dieu", Frédéric Lenoir, livre de poche, fayard 2012, p.20
(2) idem, p.19-20
(3) Histoire ancienne des Juifs, Flavius Josèphe, éd. Lidis, fév. 1968, p.561
(4) ensemble des critiques, site internet, le gros mensonge de la Bible ; J-C, mythe ou réalité ?
(5) Talmud de Babylone, Sanhédrin 43a, site internet, sources sur la vie de Jésus de Nazareth.
(6) Frédéric Lenoir, op.cit., erreur du moine Denys le petit, p.27