|
La redoutable question ou la réponse du Christ Matthieu 21 : 23-27 |
Introduction :
Le récit que nous allons examiner ensemble nous plonge dans les évènements qui se déroulèrent dans la dernière semaine, à Jérusalem, quelques jours avant la crucifixion de Jésus, à Golgotha. La veille, le Seigneur est entré dans la ville. La liesse populaire a emporté les habitants dans un tourbillon d’allégresse. On l’acclame comme le futur roi d’Israël.
« Dites à la fille de Sion : voici, ton roi vient à toi, plein de douceur, et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse… La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin ; d'autres coupèrent des branches d’arbres, et en jonchèrent la route. Ceux qui précédaient et ceux qui suivaient Jésus criaient : hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! Lorsqu'il entra dans Jérusalem, toute la ville fut émue, et l'on disait : qui est celui-ci ? La foule répondait : C’est Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée. » Matthieu 21 : 5,8-11, version LSG.
Malgré ce climat festif, le Seigneur va volontairement « casser » l’ambiance. Il adopte une posture de rupture face à cet élan populaire spontané. Il entre dans le temple, chasse tous ceux qui commerçaient, renverse les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de colombes… Et il prononce une parole prophétique :
« N’est-il pas écrit que : ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations ? Mais vous, vous en avez fait un repaire de brigands. » Marc 11 : 17, version LSG.
En contrepoint des chants populaires se vivait, en général, un dérèglement spirituel qui frisait le paganisme. D’autre part, le temple était détourné de sa vocation première. Les hauts dignitaires rabat-joie n’arrivaient plus à contenir l’enthousiasme des gens du peuple vis-à-vis de ce Jésus de Nazareth… Il faut se pénétrer de cette ambiance délétère entretenue par ces responsables spirituels pour mieux comprendre la suite des évènements…
Après avoir subi ce cyclone de force 5 dans le temple, les grands prêtres, les scribes, chefs et anciens du peuple n’ont plus qu’une seule idée en tête : comment faire périr ce personnage gênant et incontrôlable ! Comment le réduire au silence ? La côte de popularité du Christ s’était considérablement accrue, et ils craignaient les réactions de la foule … Il est vrai que le contraste était saisissant entre la joie du peuple qui acclamait son roi, et la haine de ces dignitaires qui se sentaient dépossédés de leur autorité.
Jésus impassible et déterminé a continué son action. Il s’agissait de ne pas se laisser démonter par leurs sourdes menaces...C’est pourquoi après avoir débarrassé le temple des trafics commerciaux, il enseigne le peuple, venu l’écouter à l’envi. Et là, le Seigneur profite de cette situation pour décliner, une dernière fois, les bienfaits de la Bonne Nouvelle du salut (cf. Luc 20 : 1).
Développement :
C’est pendant son exposé que Jésus va être apostrophé par le gotha religieux de Jérusalem. Il est vrai que ces derniers mois, dans tout le pays, le Seigneur a donné au peuple une irrépressible impulsion révolutionnaire en déclinant le contenu de sa bonne nouvelle. Il en sera le fondateur. Cette action pertinente sur la voie publique ne pouvait laisser indifférente l’élite spirituelle de la capitale. C’est donc tout naturellement qu’on le retrouve au cœur de la cité, dans le haut lieu sanctuarisé de Jérusalem. C’est là qu’une conférence de presse improvisée sous forme d’interview se met en place.
« Et il advint, un jour qu'il enseignait le peuple dans le Temple, et annonçait la Bonne Nouvelle, que les grands prêtres et les scribes survinrent avec les anciens, et lui parlèrent en ces termes : " Dis-nous par quelle autorité tu fais cela, ou quel est celui qui t'a donné cette autorité ? " Luc 20 : 1-2, version FBJ.
Récurrente question à laquelle Jésus a déjà répondu (cf. Matthieu 12 : 27-30 ou Luc 11 : 15-23). On perçoit, là encore, le contraste violent entre la décontraction du Seigneur et la crispation de cette élite religieuse accrochée à son pouvoir et à ses privilèges.
Arrêtons-nous un instant pour comprendre la sérénité du Sauveur. La force intérieure de Jésus, en lien constant avec son Père, s’est manifestée d’une façon remarquable. Jésus a toujours été un homme libre, profondément libre. Le regard agressif de ses opposants ne l’a jamais intimidé. Face à ces membres éminents et distingués du haut conseil juif de Jérusalem, qui vont l’interpeler sur l’épineuse question de l’autorité, Jésus va utiliser une technique redoutable : Répondre à une question par une autre question. Mais avant d’analyser sa technique, revenons un instant à sa qualité d’homme libre.
Il est important de dire à ce propos que le Seigneur nous a laissé un exemple exceptionnel afin que nous suivions ses traces (cf. 1 Pierre 2 : 21). L’apôtre qui en a le mieux parlé est Paul.
« Or, le Seigneur c'est l'Esprit ; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. » 2 Corinthiens 3 : 17. « C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude. » Galates 5 : 1. « Ayant donc cette espérance, nous usons d'une grande liberté, et nous ne faisons pas comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les fils d'Israël ne fixassent pas les regards sur la fin de ce qui était passager. » 2 Corinthiens 3 : 12-13. « Vous n'avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Romains 8 : 15-16. « Et cela, à cause des faux frères qui s'étaient furtivement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l'intention de nous asservir. » Galates 2 : 4, versions LSG.
Rappelons pour clore ce rappel, que la valeur principale du christianisme est étroitement connectée au principe de libération de la personne humaine. Sous ce rapport, il est judicieux d’apprendre à se placer principalement et prioritairement sous l’autorité de Dieu seul.
Revenons au comportement du Seigneur. Il ouvre une voie nouvelle. Elle combat cette fausse idée que nous devons nous soumettre aux autorités religieuses, et surtout à celles qui se prétendent inspirées (l’autorité n’appartient qu’à Dieu, Jésus et le Saint-Esprit. Tous les humains, à commencer par les apôtres, ne sont que des serviteurs. Les dons spirituels et les divers ministères s’inscrivent dans cette unique disposition de service).
Ces membres du haut clergé s’érigeaient en police secrète de la pensée spirituelle. Ils maniaient l’intimidation avec subtilité et dextérité. (De tout temps ces méthodes ont existé pour contraindre le peuple à penser comme ses dirigeants, plutôt que par lui-même). Les formes modernes d’intrusion dans la vie des gens sont la marque d’un désir de pouvoir. Même de nos jours, dans certains milieux, on ressent ce parfum d’inquisition. La voie nouvelle ouverte par le Seigneur est une voie de liberté. Chacun doit assumer personnellement son choix de vie. Tous les ordres, directives, recommandations, même inspirés, doivent être filtrés par chacun pour voir si ce que l’on nous dit est conforme à ce que l’on a compris de l’enseignement du Christ. L’apôtre Paul confirmera cette orientation :
« Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses ; retenez ce qui est bon. » 1 Thessaloniciens 5 : 20-21, version LSG. (C’est moi qui souligne).
Revenons maintenant à la question posée à Jésus dans le temple :
« Dis-nous, par quelle autorité fais-tu ces choses, ou qui est celui qui t’a donné cette autorité ? » Luc 20 : 2.
Il ne s’agit pas là de l’épreuve de force que Jésus vient de vivre avec l’expulsion des commerçants du temple… Il est question de son enseignement politiquement redoutable dans ce haut lieu spirituel, sous haute surveillance romaine. Il faut savoir que le clergé en place était à la solde des Romains (c’est le pouvoir romain qui nommait les principaux sacrificateurs. « Hérode se riait à la lettre des grands prêtres, qui furent un jouet dans sa main. À Hananel succéda un inconnu, Jésu fils de Phabi, et à celui-ci un certain Simon fils de Boëthus, dont la fille passait pour la plus belle personne de Jérusalem. Hérode en devint amoureux, résolut de l’épouser, et, pour élever la famille jusqu’à lui, fit le père grand prêtre », cf. revue des deux mondes, article d’Ernest Renan.). Cette réalité historique explique bien la crainte du clergé de Jérusalem. Une intervention musclée de l’armée était toujours à redouter, car dans le passé des agitateurs avaient choisi cet endroit pour haranguer la foule contre l’occupant romain et la répression avait été sans pitié (cf. la célèbre révolte de Simon dit Bar Kochba (le fils de l’étoile) salué comme le Messie).
En lien avec la grande question de l’autorité (elle masquait surtout leur envie de connaître la source des pouvoirs du Christ), le Seigneur va démontrer qu’il n’est pas de connivence avec l’occupant romain.
Mais plus encore et magistralement, il va utiliser sa technique d’interview. Il répondra à leur question, si eux répondent à la sienne… Son refus d’obtempérer à leur apostrophe voile provisoirement et subtilement l’origine de son autorité. Le Seigneur sait qu’il n’a rien à perdre, car il connaît très bien l’issue de son parcours à la grande différence de ces pontifes. Leur marge de manœuvre est très ténue, coincés qu’ils sont entre leur dépendance à Rome et la foule joyeuse qui écoute religieusement son Messie. Alors, le Maître choisit une seule question. Pas de développement superflu ou de messages en trompe l’œil. Une seule question :
« le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du ciel, ou des hommes ? » Matthieu 21 : 25, version LSG.
Les voilà pris au piège de la lumineuse question du Christ ! Soit, ils affirment que l’autorité avec laquelle Jean a baptisé vient de Dieu et le Christ peut leur rétorquer : « alors ! pourquoi n’avez-vous pas cru en lui ? » Soit, ils optent pour une formule humaine et s’attirent les foudres de la foule qui reconnaissait Jean comme un prophète. Ils risquent d’y perdre leur vie, tellement la foule est exaltée par le message d’espérance du Seigneur ! L’obsession des dirigeants d’en finir avec ce Jésus, ne leur enlève pas pour autant un brin de lucidité. Voici la teneur de leurs réflexions rapportées par Luc :
« Mais ils raisonnèrent ainsi entre eux : si nous répondons : du ciel, il dira : pourquoi n'avez-vous pas cru en lui ? Et si nous répondons : des hommes, tout le peuple nous lapidera, car il est persuadé que Jean était un prophète. Alors ils répondirent qu'ils ne savaient d'où il venait. » Luc 20 : 5-7, version LSG.
La noble liberté qui habitait le Christ ne pouvait être inquiétée par ceux qui précisément ne la possédaient pas. Ces gens prestigieux, venus le questionner, pensaient le contraindre et le mettre en difficulté or, c’est bien eux qui furent contraints au mutisme. Ces hommes de pouvoir se prétendaient libres, mais ils ne l’étaient pas, contrairement à Jésus.
Sa technique d’interview révèle les vraies motivations de ses adversaires. In fine, pour ne pas perdre leurs pouvoirs, ils crucifieront le Christ. Dans leur logique toute humaine et perverse, Caïphe avait déjà été leur porte-parole : (l’apôtre Jean nous rapporte la discussion des Pharisiens quelques jours seulement avant l’entrée de Jésus à Jérusalem).
« l'un d’eux, Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, leur dit : vous n'y entendez rien ; vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Or, il ne dit pas cela de lui-même ; mais étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation. » Jean 11 : 49-51, version LSG.
Le choix du thème du baptême de Jean est intéressant. C’est l’espace de liberté où chacun disait son espérance loin de Jérusalem. Ce contexte nous redit que cette liberté ne dépend, ni de notre naissance, ni de notre position sociale, ni de notre religion ou de notre compte en banque, ni d’un statut de propriétaire, ni de notre célébrité, mais d’un engagement personnel auquel est rattachée une promesse de salut gratuit en Jésus-Christ.
Jésus a choisi cette question pour confondre ceux qui se considéraient pieux, drapés dans une autorité religieuse usurpée. L’apôtre Paul le précise bien à son disciple Timothée :
« ce sont ceux qui ont l’apparence de la piété, mais qui renient ce qui en fait la force » 2 Timothée 3 : 5, version LSG.
Ces « ayatollahs » de la pensée de l’époque avaient besoin de se sentir importants. De ce fait, ils exerçaient un ministère de culpabilisation, tout en vivant aux crochets des fidèles. L’enseignement du baptême met en exergue un merveilleux pouvoir libérateur. Il est accordé à celui ou celle qui fait le pas de la foi… Cette libération est une grâce imméritée qui nous propulse sur la piste de l’aventure de la foi.
Conclusion :
Cette très brève conférence de presse devant un public très attentif nous invite à repenser nos comportements. Que ce soit dans nos façons d’être et d’agir, en pensées et en actions, sommes-nous certains d’être vraiment libres ? Nous sommes-nous débarrassés de toutes nos peurs, du poids du regard des autres, de tout conformisme déplacé ? (À chacun d’établir sa liste).
A propos du baptême, avons-nous à cœur de suivre l’exemple de Jésus, c'est-à-dire de nous conformer à son témoignage, auquel est rattaché un profond enseignement, reprécisé par l’apôtre Paul (cf. Romains 6 : 3-10). Ou sommes-nous plus complaisants pour nous satisfaire d’un engagement de nos parents ? Pensons-nous avoir été personnellement présents dans cet engagement solennel ? Tradition accommodante ou respect de la parole, avons-nous été libres de nos choix ? Observons que c’est la seule question que Jésus a posée, elle demeure pérenne et nous interpelle.
La non-réponse de Jésus nous en dit long sur la nécessité d’assumer nos choix. Les mauvaises attitudes sont souvent celles que l’on nous souffle… Il y a là, symbolisé, tout le cortège des réponses qui ne sont pas nôtres. Toutes celles qui nous sont imposées par les circonstances et qui nous piègent… La question que le Christ nous renvoie nous invite à vérifier ce qui nous motive et nous aide à construire notre présent et notre avenir. Spirituellement et en prolongement sa question fait écho au sujet de notre foi en Jésus-Christ…
En ne répondant pas à la question des chefs religieux, Jésus a gardé la maîtrise de sa liberté. Désormais, ils seront responsables de leur réponse. La force tranquille du Christ va le conduire, là où il l’avait souhaité (cf. Jean 4 : 34 ; Luc 12 : 49-50). En ne nous imposant pas une version définitive et absolue de ses origines, le Sauveur respecte notre liberté et nous encourage à vivre sereinement dans la voie de la confiance et de la foi. Sa force de liberté peut nous être transmise, si nous sommes plus soucieux de suivre ses pas que de sacrifier nos principes à des positions traditionalistes (sur le plan surtout spirituel).
« Si donc le Fils vous libère, vous serez réellement libres » Jean 8 : 36, version FBJ.
« La liberté intérieure est un idéal à conquérir, qui ne dépend pas de la société environnante, mais de soi » Hélie de Saint Marc,1922-2013, résistant, écrivain…
Jacques Eychenne
PS : (La tradition chrétienne reste positive quand ses vertus théologales sont en conformité avec l’enseignement de l’auteur du salut de l’humanité : Jésus-Christ).
LSG, version Louis Segond 1982 ; FBJ, version de la Bible de Jérusalem