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A Propos du péché ou Responsable mais pas coupable ? |
Le mot péché a un pouvoir terrible. Sa simple prononciation déclenche en nous une réaction d’autodéfense. Pour autant, quand on l’analyse dans la parole de Dieu, il n’a rien d’odieux, il fait partie de l’expérience humaine. Il sous-tend un choix avant une pratique, même si de nombreuses traductions ont utilisé l’expression : « la pratique du péché ». Par exemple, visitons un passage classique sur le sujet :
L’apôtre Jean écrit :
« Quiconque pèche transgresse la loi, et le péché est la transgression de la loi » 1 Jean 3 : 4, version LSG.
Certes, nous savons que nous sommes tous pécheurs, car nous sommes tous sous le pouvoir du péché (cf. Romains 3 : 9-12), pour autant notre responsabilité spirituelle est aussi engagée. Nous ne faisons pas que subir, nous avons à exercer un choix de vie. Notre responsabilité est vivement sollicitée car Yhwh- Adonaï a parlé à l’humain. C’est ce qu’exprime le verset ci-dessus. Vivre comme si la loi divine n’existait pas, comme si Dieu n’avait rien dit, c’est cela le péché (cf. ἀνομία = anomia = a privatif, nomos = la loi, au final c’est agir sans loi). Oui ! Dieu a parlé après nous avoir créés et il nous a donnés une ligne de conduite, un code de la bonne route à suivre. L’ignorer, faire comme si elle n’existait pas, c’est cela le péché.
Un autre texte vient nous permettre de mieux approfondir le sens du mot péché. Je cite un deuxième texte classique :
« Car le salaire du péché, c'est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus Christ, notre Seigneur » Romains 6 : 23, version TOB.
Le mot traduit par salaire désigne avant tout, dans son sens premier, faire provision (cf. ὀψώνιον = opsonion = faire des provisions). Cela pouvait être en vivres ou en argent. Le fait d’être approvisionné, par extension, a donné le sens du mot salaire (cf. c’était la paye que l’on donnait à un soldat romain). Le sens du verbe et des mots de même racine dit que ce salaire est plus le choix d’avoir opté pour un bien vivre qu’une simple question d’argent (cf. voire le sens du verbe et des mots opsonéau ; opsoniadsau ; opsonia, si vous possédez un dictionnaire Grec-Français).
Voyons maintenant le sens du mot péché dans l’original grec = ἁμαρτία = amartia. Disons d’emblée qu’avant d’être une faute traduite par le mot péché, c’est avant tout une erreur. Ce qui me permet d’être aussi affirmatif, c’est le verbe grec de même racine ἁμαρτανω = amartavo. Il signifie errer, se tromper. C’est manquer le but, dévier, s’égarer, échouer. Ce n’est point dans la langue grecque un concept moral, c’est la conséquence d’un choix volontaire.
Des poètes et historiens grecs l’ont utilisé dans ce sens :
L’apôtre Jacques va dans le même sens dans le texte suivant :
« Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La prière agissante du juste a une grande efficacité » Jacques 5 : 16, version NEG.
Il propose un autre sens au mot traditionnel de péché (cf. le mot souligné ci-dessus dans le texte de Jacques). Il utilise le mot :
Παράπτωμα = paraptoma. Il signifie dans son sens premier : tomber à côté de ou près de quelque chose. Par extension c’est devenu une déviation, une faute, donc un péché. Diodore de Sicile, historien du 1er siècle av. J.C, va dans le même sens, il parle d’échec, de revers. C’est toujours la conséquence d’un choix déchargé d’un poids moral.
Si je reviens au sens premier, on pourrait donner au mot péché le sens plus précis d’un manque d’équilibre (// le fait de tomber à côté). Ainsi, le problème ne serait pas de tomber, car tout le monde tombe un jour ou l’autre (cf. Romains 3 : 10-12), mais bien d’avoir la volonté de se relever (cf. j’observe que παράπτωμα est un mot composé d’une préposition : auprès de, et de πτωμα (or, πτωμα en grec, c’est ce qui tombé, par extension cela définit la position du cadavre).
Tomber c’est perdre l’équilibre… la voilà peut-être la belle définition du péché. Le péché serait un déséquilibre de vie. Ce manque d’équilibre n’a pas le poids traumatisant de toutes les culpabilités que les humains, dit spirituels ou non, ont bien voulu lui donner. Que de dégâts n’a-t-on pas fait dans les consciences ! Redisons-le clairement, le poids de la culpabilité invalidante et décourageante reste l’œuvre de l’ennemi. La bienveillance divine, quand on l’accueille, produit le résultat inverse : une libération paisible et heureuse.
Désormais, le sujet n’est plus de souligner le fait d’être tombé, mais bien au contraire sur un plan spirituel, d’avoir la volonté de se relever avec l’aide du Tout-Puissant (qui est d’abord notre Père aimant). Dieu peut produire en nous le vouloir et le faire (cf. Philippiens 2 : 13).
Je suis donc responsable mais non coupable. Responsable, car je dois toujours rechercher un équilibre de vie, et pas coupable car je n’y suis pour rien dans l’avènement du mal dans ce monde dont je subis, malgré moi, les effets (cf. Romains 7 : 18).
Est-ce en référence à cette nécessité d’être en équilibre que le Seigneur a déclaré :
« Veillez donc et priez en tout temps, afin d'avoir la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme. " Luc 21 : 36, version FBJ (c’est moi qui souligne).
Se tenir debout, ne serait-ce pas l’antidote du péché ? la grande manifestation de la grâce divine ?
Nous sommes loin de tout processus de culpabilisation ! C’est ce que l’apôtre Paul a compris quand il écrit aux romains :
« Toi, qui es-tu pour juger un serviteur d'autrui ? Qu'il reste debout ou qu'il tombe, cela ne concerne que son maître ; d'ailleurs il restera debout, car le Seigneur a la force de le soutenir » Romains 14 : 4, version FBJ (c’est encore moi qui souligne).
Le Christ a le pouvoir de nous redresser et de nous maintenir debout. La difficulté est donc moins de tomber que d’accepter d’être relevé. C’est le miracle de la grâce divine.
Prenons conscience de notre situation, appuyons-nous sur le Christ qui peut nous redresser avec amour, et avançons avec confiance. Nous n’avons rien à craindre, ni à redouter. Ayons cette assurance que dans tous les cas de figure, il nous relèvera et nous maintiendra debout quand il apparaîtra dans toute sa gloire et nous « verrons le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire » Matthieu 24 : 30b, version LSG.
Jacques Eychenne
PS : LSG, version Louis Segond 1982 ; TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem.