La mission du prophète Jérémie

 

 

             La mission

    du prophète Jérémie

                        ou

      assumer une responsabilité

          Jérémie 1 : 10

 

Introduction :

 

Le ministère prophétique de Jérémie est exceptionnel. Il fut choisi par l’Eternel avant même sa naissance :

 

 « Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré ; comme prophète des nations, je t'ai établi » Jérémie 1 : 5, version FBJ.

 

YHWH-Adonaï l’appela alors qu’il n’était qu’un enfant (fils de Hilkija, un lévite qui officiait comme sacrificateur). Il habitait Anathoth, petit village situé à environ 5 km au Nord-Est de Jérusalem, dans le territoire de Benjamin (cf. Jérémie 1 : 1). Nous sommes entre le 7ème et 6ème siècle av. J.C. Sophonie et Habakuk furent contemporains du début de son ministère, et le prophète Daniel de la fin de sa vie. Il remplit sa vocation sous le règne de cinq rois de Juda (Josias, Joachaz, Jojakim, Jojakin et Sédécias). Son action couvre une période de plus de 40 ans. Elle se déroule dans un temps agité où politiquement tout est tumultueux. On peut déjà acter la chute des Assyriens et la montée en puissance des Babyloniens.

Sous le règne de ces rois, on observe une dégradation morale et spirituelle manifeste. En conséquence, la mission fut confiée à Jérémie de prédire la destruction de Jérusalem et la déportation de ses habitants à Babylone (cf. Il verra de son vivant l’élite de son peuple amenée captive à Babylone).  

Mais le petit Jérémie ne se sent pas la force, ni le courage, d’affronter cette responsabilité. Il s’adresse à Dieu avec ses mots : « Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais parler, je suis trop jeune » Jérémie 1 : 6, version TOB.

Et Yahvé lui répond : « Ne dis pas : "Je suis un enfant ! " car vers tous ceux à qui je t'enverrai, tu iras, et tout ce que je t'ordonnerai, tu le diras » Jérémie 1 : 7, version FBJ.

C’est ainsi que le petit Jérémie reçut, comme feuille de route, la responsabilité suivante :

 

« Sache que je te donne aujourd'hui autorité sur les nations et sur les royaumes, pour déraciner et renverser, pour ruiner et démolir, pour bâtir et planter » Jérémie 1 : 10, version TOB. L’injonction divine a une valeur exécutoire dans l’aujourd’hui (c’est moi qui souligne). C’est dire l’urgence de la situation !

 

En quoi cette histoire, vieille de plus de 26 siècles nous intéresse ?

 

Développement :

 

Le contexte historique dans lequel Jérémie a vécu présente des analogies avec notre époque. Malgré les appels répétés du prophète, la position du pays de Juda était devenue ingérable. Toutes les recommandations de Jérémie, ainsi que toutes ses sollicitations pour inciter les responsables à faire le bon choix pour Dieu n’eurent aucun effet. Aucune démarche de repentance, ni aucune prière n’eurent de résultat positif sur son peuple. La chute du royaume de Juda devenait inéluctable. Il fallait intervenir vite.  

Yahvé finit même par demander à son serviteur de ne plus prier : « Et toi, n'intercède pas pour ce peuple-là, n'élève en leur faveur ni plainte ni prière, n'insiste pas auprès de moi, car je ne veux pas t'écouter » Jérémie 7 : 16, version FBJ ; idem Jérémie 11 : 14 ; 14 : 11). A Jérusalem par exemple, la corruption était générale. Par la voix de son serviteur, l’Eternel déclare : « Parcourez les rues de Jérusalem, regardez donc, renseignez-vous, cherchez sur ses places si vous découvrez un homme, un qui pratique le droit, qui recherche la vérité alors je pardonnerai à cette ville, dit Yahvé » Jérémie 5 : 1, version FBJ.

Pourtant, on ne peut pas dire que l’Eternel n’ait pas tout fait pour ramener ce peuple à la raison :

 

« Puisque je vous ai parlé et reparlé, inlassablement, et que vous n’avez pas écouté, puisque je vous ai appelés et que vous n’avez pas répondu, je traiterai la maison sur laquelle mon nom est invoqué et en laquelle vous mettez votre confiance, et le lieu que je vous ai donné, à vous et à vos pères, de la même manière que j’ai traité Silo. Je vous rejetterai loin de moi » Jérémie 7 : 13-15, version NBS (c’est moi qui souligne).

 

En revisitant cette histoire, nous observons que la patience de Dieu a des limites. Nous n’avons pas un Dieu « cool » qui laisse faire n’importe quoi ! Comme un Père aimant et pédagogue, il place des limites. Ainsi, l’apôtre Paul écrira dans son billet envoyé aux Galates : Ne vous y trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Car ce que l'on sème, on le récolte » Galates 6 : 7, version FBJ. « Se moquer de l’Eternel », c’est, avant tout, être dans une position de mépris. C’est étymologiquement en grec :  μυκτηρίζω = mukterizo = tourner le nez, ricaner, tourner en dérision. C’est une attitude dédaigneuse qui peut aller jusqu’au péché contre le Saint-Esprit (cf. Marc 3 : 28-29). On ne peut bafouer l’amour divin impunément ! C’est encore agir comme si Yahvé Adonaï n’avait jamais parlé, or cela n’a jamais été le cas, ni pour Adam et Eve, ni pour son peuple, ni encore aujourd’hui pour chaque individu. Seulement, prêtons-nous suffisamment attention à ses avertissements ? :

« Pourtant Dieu parle d'abord d'une manière et puis d'une autre, mais l'on n'y prend pas garde » Job 33 : 14, version TOB.

Déjà Salomon, avec la sagesse que Dieu lui avait donnée, avait écrit : « Dieu amènera en jugement toutes les actions de l'homme, tout ce qui est caché, que ce soit bien ou mal » Ecclésiastes 12 : 14, version FBJ.

Cette première observation a pour objet de nous rendre responsables de nos actes…

 

Ce contexte nous apprend encore que lorsque les limites de la relation à Dieu sont franchies, les prières ou toute autre action sont rendues nulles et non-avenu. Autrement dit, aucune démarche de réconciliation ne devient possible. C’est ce qui adviendra dans la suite du temps, quand le mal aura atteint son paroxysme sur cette terre. Déjà au temps de Noé, l’Eternel s’était prononcé en disant : « Mon Esprit ne restera (ou n’animera) pas à toujours dans l’homme » Genèse 6 : 3, version LSG. Le Seigneur Jésus a repris le même propos en affirmant : ce qui arriva du temps de Noé se reproduira : on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et les gens ne se doutèrent de rien… Cette situation désinvolte des antédiluviens aura son fac-similé à la fin des temps, avec un final qui se ponctuera par l’avènement du Fils de l’homme (cf. Matthieu 24 : 38-39).

Ainsi, nous comprenons qu’il viendra un temps où Yahvé-Adonaï retirera son esprit. Il n’y aura plus d’intercession. La refonte d’un monde nouveau sera la seule solution.

Mais revenons au contenu de la feuille de route énoncée par l’Eternel Jérémie !

Elle comprend les points suivants que nous allons développer : il s’agit de verbes d’action : déraciner et renverser ; ruiner et démolir ; bâtir et planter. Les quatre premiers font référence à une destruction ; les deux autres à une restauration.

Reprécisons leur définition :

נָתַשׁ = nathash = retirer, expulser, déraciner, arracher ou extraire. (A 11 reprises Jérémie utilisera ce verbe).

Yahvé donne au prophète l’autorité (je t’ai établi) pour ôter ce qui gangrène le peuple. Cette opération s’est imposée, car le mal était profond. De même, l’Eternel a donné autorité à son Fils (cf. le plus grand des prophètes !) pour éradiquer le mal et toute mauvaise semence dans nos vies (cf.) Parabole de l’ivraie et du bon grain, Matthieu 13 : 24-43.

נָתַץ = nathats = renverser, briser, jeter à bas, abattre, détruire, vaincre…(racine très proche de la précédente). Il ne s’agit plus là d’aller en profondeur, mais de renverser tout ce qui croit être bien debout (cf.1 Corinthiens 10 : 12-13).

אָבַד = 'abad = périr, s'évanouir, être détruit, mourir, être exterminé… Le mot est le plus utilisé dans le sens de faire périr. Il se rapporte à une décision de justice. Ce verbe nous fait comprendre que personne ne pourra être dispensé de voir toutes ses actions analysées par le juge (cf. Ecclésiaste 12 : 14). Au temps de Jérémie, la sentence envers le peuple peut nous paraître dure, elle était pourtant nécessaire. Quand la relation n’est plus possible, la séparation devient logique… (C’est la confiance en Dieu le Père qui nous permet de reconnaître sa sagesse en toute circonstance).

הָרַס = harac =  déchirer, rompre, renverser, battre, détruire, ruiner… Ce verbe qui complémente le précèdent, signifie que le contrat confiance est devenu caduque. Il n’y a plus de communion possible. Dans ce cas, c’est comme une maison bâtie sur le sable qui ne peut faire face à la tempête. Elle sera inévitablement renversée (cf. Matthieu 7 : 26-27).

 

Les quatre premiers verbes expriment avec force le drame du peuple de Dieu en un temps où les dangers pouvaient venir de partout. Ils illustrent prophétiquement la situation de notre monde à la fin des temps. Il suffit de relire Matthieu 24 ; Luc 22 ; 2 Timothée 3 : 1-9 (etc.), pour s’en convaincre.

Cependant, Yahvé-Adonaï, notre Père fait comprendre à Jérémie qu’il ne restera pas uniquement sur les aspects négatifs des comportements humains. La fin de la mission du prophète, celle sur laquelle il doit porter toute son énergie, est résumée par deux verbes :

 בָּנָה = banah =  bâtir, rebâtir, établir, assurer une suite ; construire, former une maison: établir une famille ; être bâti, être rétabli. C’est l’instant où l’espérance s’enracine dans le concret du présent (cf. La notion du royaume de Dieu, la maison du Père, l’endroit où la famille est rassemblée ; cf. Jean 14 : 1-3).

נָטַע = nata`=  planter, attacher, fixer, établir.

 

Ces deux verbes résument toute l’action de Dieu. Comme souvent dans la révélation biblique, nous sommes interpelés sur deux niveaux. Le premier nous renvoie à la situation que connaît Jérémie. Le deuxième nous permet de réfléchir personnellement. Transperçant le temps, la Parole divine nous rejoint dans l’aujourd’hui. Presque toutes les prophéties ont eu ce double langage et cette double interprétation : l’une du temps du prophète, l’autre dans un avenir qu’il ne peut percevoir, car il concerne la trame générale de l’histoire humaine, et ainsi par extension la vie de chaque individu (La Bible n’a pas vocation à n’être qu’un livre d’histoires !).

 

Pour que son serviteur s’imprègne bien des sentiments qui doivent accompagner son parcours, Yahvé-Adonaï fait descendre Jérémie chez un potier : 

 

« Debout ! Descend chez le potier et là, je te ferai entendre mes paroles." Je descendis chez le potier et voici qu'il travaillait au tour. Mais le vase qu'il fabriquait fut manqué, comme cela arrive à l'argile dans la main du potier. Il recommença et fit un autre vase, ainsi qu'il paraissait bon au potier. Alors la parole de Yahvé me fut adressée en ces termes. Ne suis-je pas capable d'agir envers vous comme ce potier, maison d'Israël ? oracle de Yahvé. Oui, comme l'argile dans la main du potier, ainsi êtes-vous dans ma main, maison d'Israël ! » Jérémie 18 : 2-6, version FBJ.

 

La pédagogie divine procède par illustration. Le Seigneur Jésus utilisera la même rhétorique (Cela vaut mieux qu’un long discours !).

Dieu, notre Père, veut faire comprendre à Jérémie que le fait d’arracher et de renverser, pour démolir et détruire, n’a de sens que si l’on est déterminé à rebâtir ou à replanter (le potier ne réussit pas toutes ces pièces du premier coup. L’important est qu’il se remettre à l’ouvrage pour aller jusqu’au bout de son projet). Nous comprenons que le droit à l’erreur, ou à la faute, fait partie naturellement de nos parcours. Par contre, notre responsabilité a pour objectif de dépasser nos écueils de vie.

Ainsi, Yahvé dira clairement à son serviteur :

 

« Vous me chercherez et vous me trouverez, car (ou si) vous me rechercherez de tout votre cœur ; je me laisserai trouver par vous oracle de Yahvé. Je ramènerai vos captifs et vous rassemblerai de toutes les nations et de tous les lieux où je vous ai chassés, oracle de Yahvé. Je vous ramènerai en ce lieu d'où je vous ai exilés » Jérémie 29 : 13-14, version FBJ.

 

A travers l’histoire du peuple d’Israël, Dieu veut éclairer notre discernement afin que nous comprenions que bâtir ou planter signifie recherchez l’Eternel pendant qu’il se trouve (cf. Esaïe 55 : 6). Le prophète Amos précisera : « Cherchez l’Eternel, et vous vivrez ! » Amos 5 : 6, version LSG. Faire cette démarche, c’est renouer les liens d’une relation stable et confiante. Jésus confirmera cette orientation quand il définira notre priorité : « cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu » Matthieu 6 : 33, version LSG. A la fin de son sermon sur la montagne, il invitera son auditoire à oser une belle relation avec Dieu :

« Demandez et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira » Matthieu 7 : 7, version FBJ.

 

Tous ces messages portent en eux une espérance. Elle a cette force de nous

dire que nos mauvais choix font partie de notre apprentissage (l’important n’est pas de savoir que l’on va tomber, mais d’avoir la conviction que l’on peut se relever avec l’aide divine).

Actons le fait que Yahvé-Adonaï, notre Père, veut nous transmettre ses sentiments les plus bienveillants pour chacun de nous, ici symbolisés au travers de l’histoire d’un peuple. Il le dira clairement à son serviteur Jérémie qui avait tendance à se plaindre (d’où l’expression jérémiades en français).

 

« Car je connais les projets que j'ai formés sur vous, dit l'Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l'espérance » Jérémie 29 : 11, version LSG.

 

Conclusion :

 

Yahvé-Adonaï a confié à son serviteur une mission difficile. Le schéma narratif, qui révèle le drame de l’intrigue, se décompose en 4 étapes précises : 1) les évènements qui déclenchent l’ordre de mission.2) Les difficultés, rebondissements et obstacles rencontrés par le prophète. 3) Les conseils divins en vue de la résolution des problèmes. 4) La solution finale qui annoncent un retour, une stabilité, une ère nouvelle.

Ce modèle de développement historique concerne à la fois l’humanité dans son ensemble, et l’individu dans sa singularité.

Nous aussi nous vivons dans un monde en souffrance, traversé par des secousses (pas seulement telluriques). La problématique relève plus de la morale et de la spiritualité. Comme du temps du prophète : « qui se préoccupe d’écouter Dieu ? » (Il n’y a qu’à voir l’agissement des gouvernements de ce monde pour s’en convaincre !).

Le plan du Seigneur s’accomplira avec certitude, avec ou sans nous. Seulement, face aux appels incessants de notre Père notre responsabilité est engagée. Si, sur le plan général de l’histoire de notre humanité nous n’avons aucun pouvoir de décision, il n’en est pas de même dans notre propre vie.

 

Entendons la parole du Prophète : « Cherchez Yahvé pendant qu'il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu'il est proche » Esaïe 55 : 6, version FBJ.

Accueillons l’aide du Saint-Esprit pour nous aider à extirper de nos vies (cf. déraciner et renverser ; ruiner et démolir) les encombrants qui ne facilitent pas notre marche vers le Père, afin de construire avec foi et confiance une relation qui va traverser paisiblement le temps (cf. bâtir et planter). De surcroît, fort du bonheur que Dieu a placé dans nos cœurs, soyons responsables en participant à la transmission d’un message libérateur  et heureux pour chacun. Il a le doux parfum de l’espérance…

 

 

                                                                                 Jacques Eychenne

 

PS : FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; TOB, version Œcuménique de la Bible.

 

 

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