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La connaissance de Dieu ou la question à se poser 1 Jean 4 : 7 |
Introduction :
Nous entendons souvent : « Dieu existe-t-il ? » Si on répond par l’affirmatif, d’autres questions suivent : « alors pourquoi les guerres, les catastrophes naturelles, les maladies ? ». Cette litanie est presque inépuisable… Faut-il s’en offusquer en tant que chrétien ? Disons d’abord qu’il est sain que chacun et chacune s’interroge sur le commencement de toutes choses. Toutefois, le débat risque d’être stérile si l’on campe sur des raisonnements animés par un esprit cartésien. Car à l’évidence, la connaissance profonde de Dieu échappe à une simple notion rationnelle. Le Créateur l’a voulu ainsi, pour qu’il y ait un choix réel. Dieu ne s’impose pas, il s’interroge. Et quand nous le faisons sincèrement des éléments de réponse apparaissent dans notre univers personnel.
Mais soyons clairs, l’intelligence humaine ne peut appréhender Dieu dans son tout. Nous perdrions la raison si nous avions la prétention de le cerner ! Comment un être fini peut-il percevoir l’infini, comment un être temporel peut-il comprendre l’immortel ? Comment un humain mortel peut-il concevoir l’éternité ? Depuis que la race humaine a colonisé la terre, personne n’est parvenu à la connaissance de toutes les lois qui régissent le fonctionnement de notre terre. Et que dire de l’univers ? Si donc la quête de Dieu demeure impossible à la raison, pourquoi ne peut-elle pas emprunter une autre voie : celle du cœur.
C’est précisément ce que nous propose le Christ et les apôtres. Essayons d’avancer dans cette direction.
Développement :
Si je vous propose d’abandonner l’esprit cartésien, ce n’est pour convaincre quiconque de l’existence de Dieu. Cette prétention, même animée de bonnes intentions serait, elle aussi, vouée à l’échec. Ce que je peux faire, c’est tout simplement vous raconter ce qui m’est arrivé, puis ensuite, interroger l’expérience du Christ et des apôtres pour savoir ce qu’ils nous conseillent d’expérimenter dans la quête de la connaissance de Dieu.
J’étais un pré-adolescent comme tous mes copains, ni plus, ni moins, attiré par les grandes questions existentielles. J’avais obéi à la tradition familiale de la religion catholique, mais mes rares questions posées au curé n’avaient pas reçu, à ma grande déception, une réponse satisfaisante. Je me souviens avoir pensé : « comment un homme d’église peut-il ne pas répondre à une question simple ? ». Et, puis ma mère, qui était membre d’une communauté autre que familiale, a voulu que j’aille dans un camp de jeunes sous la tente. J’habitais la banlieue d’Alger et le fait d’aller en France m’avait séduit. C’est ainsi qu’en juillet 1956, je me suis retrouvé à Embrun, dans les Hautes Alpes, près d’une rivière appelée : la Durance.
Un samedi matin, j’ai entendu une prédication sur la mort de Jésus et la grâce m’a percuté comme un éclair. J’ai quitté le groupe, j’étais en pleurs. Je me suis dirigé vers la rivière et là, tout seul, face au courant bouillonnant, j’ai prononcé cette phrase : « Seigneur Jésus, je veux te consacrer ma vie ». Depuis mes larmes ont séché, mais près de soixante-dix ans plus tard, je suis heureux par la grâce de Dieu d’avoir tenu ma parole. J’ai toujours eu le sentiment d’être accompagné et mon ministère pastoral se poursuit toujours encore aujourd’hui avec bonheur, malgré mon âge avancé.
Si j’écris ce jour cette expérience personnelle (ce que j’ai rarement fait), c’est pour encourager toutes celles et ceux qui sont en recherche sans le savoir. Je n’ai jamais trahi mon choix, même dans les moments les plus durs. Cela a été et demeure le fil rouge de ma vie. Ma priorité indéfectible envers et contre tout. Mais quel bonheur !
Alors oui ! Je peux l’affirmer : Dieu, notre Père se découvre par le cœur. Et cela reste vrai à tout âge. « Dieu met en œuvre en vous et le vouloir et la mise en action, selon sa bienveillance » Philippiens 2 : 13 (traduction libre).
L’expérience du Christ et des apôtres est venue conforter cette révélation du cœur. Près de mille ans auparavant le roi David décrivait sa prière personnelle :
« Enseigne-moi à faire ta volonté, car tu es mon Dieu. Ton esprit est bon, qu’il me conduise sur un sol uni ! » Psaume 143 : 10, version TOB.
Le Christ, l’envoyé du Père, est venu pour nous révéler qui Il était. Il le dira en termes simples et accessibles à tous :
« Tout m'a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler » Matthieu 11 : 27, version TOB.
Ailleurs, Jésus précisera : « nul n'a vu le Père, si ce n'est celui qui vient de Dieu. Lui, il a vu le Père » Jean 6 : 46, version TOB.
Observons que Jésus de Nazareth n’a jamais présenté YHWH-Adonaï (cf. Dieu) en définissant tous ses attributs. Il n’a pas centré sa révélation en déclinant sa transcendance majestueuse. C’est sous les traits d’un Père aimant et proche que sa présentation nous a été transmise. Et à ceux qui étaient en question sur ce Père comme Philippe, le Seigneur a simplement répondu :
« Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : "Montre-nous le Père ! " ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même : mais le Père demeurant en moi fait ses œuvres » Jean 14 : 8-10, version FBJ.
Le Christ a mis en exergue la relation d’amour. Il l’a portée à son plus haut niveau. C’est le seul vrai chemin qui nous permet de grandir dans la connaissance du Père.
Ainsi, la connaissance de Dieu, redisons-le, se fait par le cœur, symbole de toute notre vie affective. La prise en compte qu’un Père veille sur nous et nous accompagne dans nos parcours de vie est une force spirituelle et mentale incomparable. Certes cela fait appel à la foi, mais cette dernière n’est rien d’autre qu’une confiance indéfectible en un Père aimant. Le Christ en a fait la démonstration. Son message est un message de vie et d’espoir :
« Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante » Jean 10 : 10 b, version FBJ (cf. Surabondante : περισσός = perissos = excédant un nombre ou une mesure ou un rang ou un besoin, qui dépasse, en quantité et en valeur, extraordinaire, surabondant, superflu). Dès lors, sommes-nous bien conscients de la beauté de cette vie ?
Pour nous sensibiliser à son message, le Seigneur Jésus a fait le pari de privilégier le relationnel par rapport au rationnel.
La connaissance de Dieu passe par une acceptation intime. Elle fait référence à un acte de filiation. C’est ce postulat qui nous permet d’expérimenter la véracité de son action dans notre for intérieur, aussi concrètement que les cinq postulats d’Euclide ont été vérifiés par des démonstrations mathématiques.
Pour approfondir notre relation avec notre Père des cieux, il nous faut prendre conscience de ce que son Fils bien-aimé nous a transmis de sa part.
« Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » Jean 15 : 9-11, version FBJ.
Pour inscrire dans nos âmes la priorité de la relation d’amour, le Seigneur a utilisé des images familières (champêtres le plus souvent), observables par tous les habitants du pays. L’une d’entre elles est celle du cep et des sarments (cf. Jean 15 : 1-8 ; elle précède le texte ci-dessus). Le Père a agi pour que la vie nous soit transfusée par le Fils, car c’est par Lui que toutes choses ont été programmées (cf. Colossiens 1 : 16-17).
Les apôtres ont reproduit l’information essentielle qui nous permet d’entrer à tout petits pas dans la connaissance de Dieu. L’apôtre Jean, peut-être le plus sensible au vécu de son Seigneur, nous donne quelques pistes à suivre. Son postulat est clair :
« Quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu » 1 Jean 4 : 7, version TOB.
Pour l’apôtre la rationalité a une place très limitée dans le processus de découverte de : « qui est Dieu ? ». La raison en est simple : « Dieu est amour » 1 Jean 4 : 8, version TOB. Le tout de sa personne est résumé par un concept accessible à tous. Le langage de l’amour n’est-il pas commun à toute la race humaine ?
Mais alors, comment comprendre que Dieu soit Amour ?
L’apôtre Jean, qui a expérimenté ce qu’il écrit, nous dit ce qu’est l’amour de Dieu. Il n’emploie aucune formule philosophique, il décrit simplement comment il a vu la démonstration de cet Amour.
« Voici comment s’est manifesté l’amour de Dieu au milieu de nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui » 1 Jean 4 : 9, version TOB.
Ainsi, pour l’apôtre, Dieu le Père a pris l’initiative de poser les jalons d’une relation heureuse. C’est Lui qui nous a aimé le premier. Sa démonstration s’est articulée par l’envoi de son Fils (cf. 1 Jean 4 : 10). Et c’est précisément cette démarche qu’Il nous demande d’accueillir. Elle nous rend apte à la joie d’aimer (cf. 1 Jean 4 : 11).
Mieux encore, comme personne n’a jamais vu Dieu et ne peut le voir, c’est au travers de la vie de son Fils que nous pouvons percevoir, humainement, la nature profonde de son Amour. En accueillant dans nos vies son exemple, nous réalisons les bienfaits de sa présence en nous (cf. 1 Jean 4 : 12).
L’apôtre Paul a bien déroulé le processus qui s’opère quand notre cœur est ouvert à cette réalité objective.
« En effet le Dieu qui a dit : que des ténèbres resplendisse la lumière, est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ. Mais ce trésor, nous le portons en des vases d'argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous » 2 Corinthiens 4 : 6-7, version FBJ.
Cette expérience simple d’une imitation de la vie de Christ (cf. 1 Corinthiens 11 : 1), nous devons la partager avec nos proches. Cet amour (agapé) possède une part inexplicable. En effet, personne ne peut expliquer comment, en profondeur, l’explosion de ses sentiments s’est produite. On a bien quelques indices, mais le fond reste mystérieux. Aimer relève de l’indicible !
Sur le plan spirituel, il en est de même, avec une nuance significative. Pour que nous ayons l’assurance intérieure que nous demeurons en Dieu, et Lui en nous, il nous a fait un précieux cadeau : « Il nous a donné de son Esprit » 1 Jean 4 : 13, version TOB.
C’est par la manifestation de cette grâce que nous pouvons contempler le Fils comme Sauveur du monde (cf. 1 Jean 4 : 14). Et l’apôtre Jean surenchérit en disant :
« Et nous connaissons, pour y avoir cru, l’amour que Dieu manifeste au milieu de nous. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » 1 Jean 4 : 16, version TOB.
Ainsi, le plan du Père s’est accompli pour tous ses enfants. A nous d’oser une relation fondée sur la confiance en un Père aimant. En nous rappelant que l’amour bannit la crainte, l’apôtre désamorce toutes nos réticences. De même, les motivations activées par la crainte d’un châtiment à venir au jour du jugement n’ont pas leur place dans le langage d’un amour authentique (cf. 1 Jean 4 : 17-18).
En résonnance à notre propos, il convient de redire comme le fait l’apôtre Jean, que nous sommes capables d’aimer parce que nous avons été aimés en premier par Dieu.
Ainsi, grandir dans la connaissance de Dieu consiste à reconnaître que la pratique du langage de l’amour authentifie l’origine de notre naissance (cf. « Quiconque aime est né de Dieu », 1 Jean 4 : 7).
C’est précisément ce que le Seigneur Jésus a essayé de faire comprendre à un homme intelligent qui était membre du Sanhédrin de Jérusalem. Au pharisien Nicodème Jésus dira sans ambages :
« En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. " Nicodème lui dit : " Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? " Jésus répondit : " En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas, si je t'ai dit : Il vous fait naître d'en haut. Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. "Nicodème lui répondit : " Comment cela peut-il se faire ? " Jésus lui répondit : " Tu es Maître en Israël, et ces choses-là, tu ne les saisis pas ? » Jean 3 : 3-10, version FBJ.
La démonstration est faite : la connaissance de Dieu échappe à la démarche purement et essentiellement rationnelle. Le canal par lequel l’humain peut parvenir à appréhender son créateur est celui du cœur et de l’esprit. C’est par cette voie que la foi répond à un appel. La confiance se met en place. La découverte d’un Père nous devient sensible.
Conclusion :
Nous vivons dans un monde qui prône la rationalité de l’absurde (1). Nombreux sont ceux qui utilisent ce raisonnement pour mettre en constat d’échec tout processus de foi. Ils veulent prouver la vanité de toute démarche qui échappe à la raison.
Le Christ et les apôtres ont prouvé le contraire. Ce faisant, ils ont décliné une autre approche de la transcendance. Pour connaître Dieu, il faut faire acte de foi. La révélation simple d’un Père aimant engendre la confiance. Et même si la connaissance intrinsèque de Dieu dépasse les compétences humaines, nous avons, grâce au Christ, au Saint-Esprit et aux apôtres, la possibilité individuelle d’en savoir suffisamment pour nourrir notre relation avec ce Père aimant. En responsabilité, il en va de même dans nos parcours de vie. Nous sommes appelés à reproduire envers nos proches ce qui a nourri notre âme. Là aussi pour connaître, il faut aimer. Si nous devions attendre de tout connaître de notre vis-à-vis pour l’aimer, nous n’aurions jamais osé expliciter nos ressentis et sentiments d’amour. Ce que nous faisons naturellement entre humains, pourquoi ne pas l’expérimenter dans notre relation à Dieu ?
Par Jésus-Christ et les apôtres nous pouvons grandir dans la connaissance d’un Père aimant qui a donné sens à tout l’univers (cf. Jean 3 : 16).
Même si nous sommes conscients que l’amour absolu du Père transcende toute la panoplie des sentiments humains, nous pouvons accueillir aujourd’hui ce qu’il veut déposer dans nos cœurs. Mais pour le rencontrer, il faut se brancher sur le même canal : celui d’un l’amour simple et désintéressé. Par le Christ, nous pouvons nous approcher avec assurance du Père car sans lui, il serait resté lointain, voire inaccessible. Assurément, nous pouvons grandir dans la connaissance de Dieu (cf. Colossiens 1 : 10 ; 3 : 10).
« Que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu » Ephésiens 3 :17-19, version FBJ.
« Le cœur a son ordre, l’esprit a le sien qui est par principe et démonstration. Le cœur en a une autre. On ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes de l’amour ; cela serait ridicule ». Blaise Pascal (1623-1662), mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien français ; Pensées, Editions de Michel Le Guern, folio classique, p. 204.
Jacques Eychenne
PS : TOB, Traduction Œcuménique de la Bible ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem.