La Justice divine

 

 

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    la justice divine

     Matthieu 6 : 33 

          

Introduction :

 

Pourquoi l’humain demande-t-il clémence, quand il est pris en défaut, et a du mal à accepter la même indulgence quand elle concerne son voisin ? Certes, la justice humaine est imparfaite, et cela nous fait du bien, de temps en temps, de le redire… Toutefois, nous oublions que nous participons à cet état de choses, même s’ils nous arrivent de dénoncer vigoureusement un système. Depuis la nuit des temps, de Caïn et Abel jusqu’à nos jours, rien n’a profondément changé sur le fond de la question.  Nos perceptions, concernant une vraie justice, n’ont guère évoluées. Comme on le dit souvent : « il vaut mieux s’en remettre à Dieu qu’à ses saints ». Et, c’est précisément ce que nous conseille le Christ : « Ne vous posez pas en juge, afin de n'être pas jugés ; car c'est de la façon dont vous jugez qu'on vous jugera, et c'est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous. Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? Ou bien, comment vas-tu dire à ton frère : ‹ Attends ! que j'ôte la paille de ton œil › ? Seulement voilà : la poutre est dans ton œil ! Homme au jugement perverti, ôte d'abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l'œil de ton frère » Matthieu 7 : 1-5, version TOB.

Si la fonction d’un juge est d’analyser objectivement la vérité sur les faits avérés, est-il en mesure de déceler toutes les intentions cachées qui ont motivé les passages à l’acte ? La question reste toujours pertinente et délicate lorsqu’elle aborde tous les éléments à prendre en compte. Dès lors, pourquoi avons-nous cette incurable indigence à nous poser en juge ?

 

Développement :

 

Le Seigneur Jésus, s’adressant à la foule assise sur les pentes d’une rive du lac de Galilée, lors d’un sermon fondateur, a énoncé une vérité magistrale sur notre sujet. Il a posé impérativement un interdit, un peu comme en Eden : « Μὴ κρίνετε =κρίνω= juger ; ne jugez pas ». En fait, le verbe est riche de sens : il dit que celui qui exerce ce droit doit avoir la faculté de séparer, de démonter un processus, d’estimer une situation, de prononcer une opinion, de sélectionner les informations avec équité. Le roi David a bien exprimé ce dilemme : « Fils des hommes, jugez-vous avec droiture ? » Psaume 58 : 2, version TOB. Notre connaissance des humains, et de surcroît de nous-même, est très limitée. Il faut en avoir pleinement conscience. C’est la raison pour laquelle le jugement appartient à Dieu seul (on ne le dira jamais assez), car lui seul peut pénétrer le très fond de notre esprit et de notre cœur. Jésus-Christ, l’envoyé du Père l’a exprimé en des mots simples : « Vous jugez de façon purement Humaine. Moi, je ne juge personne » Jean. 8 : 15, version TOB. Il faut entendre par jugement cette non-autorisation à s’emparer de la vie des autres. Là est la pensée profonde du Seigneur. Et, c’est dans ce sens qu’il s’est interdit, par amour, de violer l’intimité de quiconque. Par contre, il s’est servi de son regard divin pour solliciter en nous le meilleur afin de réveiller nos consciences. Autant dire que l’interdit posé dans le sermon sur la montagne (cf. Matthieu 5 à 7) devrait nous conduire à nous déposséder de toutes nos prétentions. Elles ont tendance à réduire notre prochain à notre propre perception de ses faits et gestes. Or, l’enjeu spirituel est bien là : il y a dans chaque créature divine une part inaccessible qui n’appartient à personne d’autre.  

  1.  Le conseil du Seigneur est incontournable : le douanier Matthieu, qui est le seul à nous rapporter la parabole de l’ivraie et du bon grain, nous restitue les paroles du Seigneur Jésus. A la question des serviteurs : « Veux-tu que nous allions l’arracher (l’ivraie) ? », Jésus répond clairement : « Non, dit-il, de peur qu’en arrachant l'ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson, et, à l'époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d'abord l'ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier » Matthieu 13 : 29-30, version LSG.
  2.  Le droit inaliénable d’être responsable de sa propre vie :

En croyant appliquer un devoir fraternel, en lui signifiant la nature de son péché, et en le sanctionnant, celui qui juge non seulement n’est d’aucune aide à son frère ou sa sœur, mais plus encore le renvoie à une sorte d’enfermement. Au lieu de l’accompagner, il l’emprisonne. L’apôtre Paul a bien cerné la gangrène des communautés religieuses quand il précise : « Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère ? Ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? Puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu » , version LSG. Non seulement, Paul souligne qu’étant tous égaux devant Dieu, personne ne peut s’attribuer un droit sur autrui, mais pire encore, il parle de mépris de son frère. Le verbe est explicite : ἐξουθενέω = exoutheneo = ne pas prendre en compte, mépriser totalement, ne faire aucun cas, traiter avec mépris. Autrement dit, en pensant aider son frère ou sa sœur, c’est le contraire qui se passe. De ce fait, l’apôtre est obligé de rappeler que chacun rendra compte à Dieu pour lui-même (cf. Romains 14 : 12). Devant la gravité de la situation communautaire, l’apôtre ressent la nécessité de faire acte d’autorité en disant : « Finissons-en donc avec ces jugements les uns sur les autres : jugez plutôt qu'il ne faut rien mettre devant votre frère qui le fasse buter ou tomber » Romains 14 : 13, version FBJ.  

Cela dit, Dieu nous a créés pour être en relation et en relation responsable. L’évangile nous enjoint de mettre au placard nos propres suffisances à détecter les pailles qui sont dans l’œil de notre voisin, alors que nous demeurons aveugles sur la poutre qui obstrue notre propre vision. Le Seigneur a qualifié d’hypocrite ce comportement (cf. Luc 6 : 41-42). Reconnaître que chacun de nous, en tant que fils ou filles de Dieu, n’appartient qu’au Père, devrait nous immuniser contre l’envie récurrente de « vouloir juger l’autre ». Chaque être est unique et irremplaçable. Nous ne connaissons que très rarement et complètement l’autre y compris nos conjoints, nos enfants, nos amis etc. Personne, hormis Dieu, ne peut s’approprier l’autre.  

La lecture des Evangiles consiste à nous faire prendre conscience de cette grossière erreur : « croire que l’on peut se prendre pour Dieu le Père ». Un seul, plus puissant que nous (Satan), a osé le faire et sa fin sera pitoyable. Dans la parabole rapportée par Matthieu sur l’ivraie et le bon grain, le Seigneur Jésus nous conseille vivement de les laisser croître ensemble et laisser à Dieu le soin de séparer le vrai du faux. C’est assurément, pour nous qui vivons en relation les uns avec les autres, le conseil le plus impérieux et délicat à suivre. Spirituellement, notre histoire française nous en dit long sur les prises de pouvoir de l’Eglise avec l’Inquisition, les procès en sorcellerie, en blasphème, sans compter l’emploi de la torture etc. La tentation suprême du maître de ce monde, celui qui a tenté d’usurper le trône de Dieu (Satan, le diable= διάβολος = celui qui divise) a produit ses effets et nous contamine. Pauvre humanité ! Pauvre de nous !

La réaction positive (cf. Esaïe 30 : 15) consiste, paisiblement, à prendre acte de la cohabitation du bien et du mal, sachant qu’elle n’aura qu’un temps. Dieu, rappelons-le, a la maîtrise de l’histoire de cette humanité.

Le corollaire de ce sujet, nous conduit au respect et à l’humilité. Personne ne détient la vérité absolue. L’apôtre Paul sera obligé de rappeler aux Corinthiens, trop imbus de leurs dons spirituels, que l’amour est l’accomplissement le plus solennel de l’humain (cf. 1 Corinthiens 13 : 13). Pour le reste il dira :

« nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant. Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu » 1 Corinthiens 13 : 9-12, version LSG.  

 

L’expérience spirituelle devrait nous convaincre que nous ne sommes pas plus purs que les autres. Le larron sur la croix est la bonne surprise des Evangiles. Observons que dans notre monde, l’intégrisme sectaire (toutes religions confondues) est la cause première de nombreux conflits sanglants et dévastateurs. La référence à une justice spirituelle immanente, devrait fléchir nos têtes et nos genoux devant la transcendance divine. Car en fait, c’est bien lui qui aura le dernier mot sur nos vies. Cette espérance est réconfortante, car lui seul, pourra percer la vérité sur notre être profond. Avons-nous seulement découvert cette vérité sur nous-même ?

Le Seigneur Jésus nous a indiqué que la recherche de la justice divine devait être notre priorité. L’apôtre Paul a développé le sujet en disant aux chrétiens de Philippe : « Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. À cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ, et d'être trouvé en lui, n'ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi » Philippiens 3 : 8-9, version FBJ.

 

En bref ! qu’avons-nous fait des recommandations du Seigneur ? Qu’avons-nous compris ? Quelle est notre réponse ? Dieu seul peut être juge car il connaît toutes choses. Le Christ n’aura pas cessé, par amour, de réveiller nos consciences (ex. Matthieu 5 : 23-24). Fait extraordinaire, jamais la perspective du jugement dernier n’est présentée comme une menace. Dieu, par Jésus-Christ, ne force personne à accueillir la promesse qu’il nous a faite (cf. Jean 14 : 1-3). C’est tout le contraire, nous restons libres de choisir (nous sommes à l’opposé d’une posture de la terreur pour convaincre les récalcitrants) …

L’aspiration à la justice nous éveille à la bienveillance divine. C’est elle qui servira d’étalon à l’appréciation de nos dispositions intérieures. Le Seigneur s’est penché sur les plus déshérités, les plus démunis, les plus orphelins, pour nous ouvrir à son langage d’amour. L’image qui traduit le mieux les sentiments profonds du Seigneur se trouve décrite par Matthieu (cf. Matthieu 23 : 37). La photo d’une poule rassemblant ses poussins fait partie des illustrations les plus touchantes de son amour.

Le Christ a répondu à l’injustice en pratiquant l’amour. Il nous dit que c’est la seule force qui peut désamorcer l’engrenage des conflits.  

L’apôtre Paul rappellera l’intentionnalité indéfectible et irréfragable de Dieu à son jeune disciple et enfant spirituel Timothée : « Cela est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » 1 Timothée 2 : 3-4, version LSG (la grâce supplante le jugement). Parlant de ses apôtres, Jésus témoigna ainsi devant son Père : « J'ai gardé ceux que tu m’as donnés, et aucun d’eux ne s'est perdu, sinon le fils de perdition ».  Jean 17 : 12, version LSG.

Selon le message du Christ, un aspect inattendu vient nous orienter vers une relecture de la loi royale :

« Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes, je suis venu non pour abolir mais pour parfaire » Matthieu 5 : 17-18 version A. Crampon. L’aspect inattendu de l’enseignement du Seigneur réside dans le fait qu’il a utilisé la même loi que celle des Pharisiens et docteurs de la loi. Mais il lui a donné un autre sens. Alors que les autorités religieuses l’utilisaient pour juger, le Seigneur l’a citée comme un chemin à vivre, une libération à expérimenter. En d’autres termes, il a remis à l’honneur l’intentionnalité de la volonté de son Père pour tous ses êtres créés : Vivre un chemin de liberté en toute sécurité. A la condamnation devant témoins, il a opposé la pratique du pardon jusqu’à 77x7 (cf. Matthieu 18 : 21-22). Nous sommes loin d’un pardon ponctuel ! C’est un principe de vie que le Seigneur pose désormais à nos consciences. Cela devrait nous apprendre à regarder différemment notre prochain. C’est encore une invitation à reproduire la grâce qu’il nous a accordée en Jésus-Christ. Cette découverte de l’aspect inattendu du message du Christ nous aide à aller au-delà de la lettre de la loi. Il nous porte à rechercher son sens profond, son sens caché. La grâce a pour objectif non de supprimer la loi, mais de nous faire découvrir son rôle positif. Car la loi peut à la fois tuer ou faire vivre (suivant son utilisation). Le Seigneur veut nous faire cheminer d’une lettre qui a le pouvoir de condamner, à un éclairage de l’Esprit de cette loi qui nous fait vivre. L’apôtre Paul développera le sujet (cf. 2 Corinthiens 3 : 6).

Dans ce même cheminement le Seigneur a révolutionné nos regards vers l’humain, notre frère. En effet, pour le Christ l’amour du prochain intègre l’ennemi, l’opposant, le malfaisant, le méprisant, le calomniateur, autrement dit, tous ceux qui nous déstabilisent, ou simplement nous incommodent. Avouons que sans l’aide divine, nous sommes incapables d’une telle

démarche. La priorité dans notre recherche de la justice divine nous conduit inévitablement à Christ et à son témoignage. Et c’est là que l’on se sent tout petit ! Le bon médecin Luc a glané ces paroles du Maître : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel merci vous revient ? Car même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.  Et, en effet, si vous faites du bien à ceux qui vous font du bien, quel merci vous revient ? Même les pécheurs font de même.  … »  Luc. 6 : 32-33, version SQE. Ainsi, notre aspiration à plus de justice (d’essence divine) est mise à mal par cette relecture de la loi. Comment bien se positionner ? Comment rester équilibrés ? Comment éviter de se défausser devant une telle responsabilité ? Le Seigneur semble énoncer une vérité qui nous file entre les doigts. Et même si dans des conditions exceptionnelles, nous nous sentons portés à pratiquer le bien de cette façon, de là à ce que nos actes de compassion deviennent habituels, il y a loin de la coupe aux lèvres ! notre recherche de la justice divine devrait nous amener à plus de cohérence dans nos attitudes et comportements. L’apôtre Paul dira : « Que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » 1 Corinthiens 2 : 5. J’aime bien la formule :

« Aimez-moi lorsque je le mérite le moins, c’est alors que j’en ai le plus besoin ».

Dans la parabole qui traite de la justice qui clôturera notre histoire, le Christ sous le symbole du roi énonce la vérité suivante : « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » Matthieu 25 : 40, version FBJ. Autrement dit, ceux qui auront agi sans calcul, mais de façon naturelle, seront surpris en bien. Pourquoi ? Ce ne sont pas nos gestes d’amour, de bienfaisance et d’empathie qui seront pris en compte, mais leurs intentionnalités. La raison en est limpide, elles décrivent un Christ bénéficiaire (à Lui revient l’honneur). Toute notre comptabilité de nos bonnes œuvres, tous nos mérites ne nous ouvrent pas la porte du salut en Christ… Elles révèlent simplement et humblement les conséquences d’une foi qui s’est déjà installée dans le royaume de Dieu. Ainsi, derrière chaque individu le Christ apparaît. C’est lui qu’il nous faut discerner derrière chaque humain. Elle est bien là l’aventure de la foi qui n’est point fleuve tranquille.

 

Conclusion :

 

« La justice humaine, qui ne voit que les actions, n’a qu’un pacte avec les hommes, qui est celui de l’innocence ; la justice divine, qui voit les pensées, en a deux, celui de l’innocence et celui du repentir » Montesquieu, artiste, écrivain, philosophe, (1689-1755).

Quoi de plus normal que nous aspirions à plus de justice ! Seulement quand nous approfondissons le message des Evangiles, nous prenons conscience du vrai contenu de cette justice divine. Et là, on se sent mal ! Dieu merci ! Ce mal est nécessaire à notre progression. Pour que le bien s’installe naturellement en nous, il nous faut de la patience et de la confiance en Dieu. La priorité de rechercher premièrement la justice est un vrai parcours du combattant…

                                                                                               

                                                                                Jacques Eychenne

 

PS : TOB, traduction Œcuménique de la Bible ; LSG, Louis Segond ; FBJ, French Bible de Jérusalem ; SQE, Synopse des Quatre Evangiles. DRB, version J.N. Darby.

 

 

 

 

 

 

 

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