|
Le silence du Printemps Psaume 37 : 1-7 |
Introduction :
Le printemps est là. Mais avons-nous remarqué que toute cette puissance de vie, ce prodigieux renouvellement de la nature s’opèrent sans le moindre bruit. Sentimentalement avez-vous déjà entendu la joie montante de la sève dans les arbres ?
Quel contraste avec les occupations bruyantes des humains ! Quand on prend conscience de l’activité admirable de la nature, on ne peut qu’être interpelé par la sérénité qu’elle dégage. Et si on saisissait cette opportunité pour repenser nos fonctionnements ? Le contexte ambiant anxiogène peut renforcer ce besoin.
Car, parmi les pollutions diverses et répertoriées qui parasitent nos quotidiens, il en est une que l’on commence à mesurer avec attention. Il s’agit de celle du bruit.
Certes, quelques spécialistes prédisent un accroissement de la surdité parmi les générations montantes ; des techniciens ont bien élaboré quelques normes définissant les seuils de tolérance du bruit dans nos moyens de transport, ou dans le fonctionnement de nos appareils ménagers, mais dans l’ensemble la mobilisation reste faible.
Le bruit nous envahit chaque jour un peu plus et les conséquences vont au-delà du visible et de l’audible. En quoi cela peut-il nous concerner, chrétiens au cœur de la cité pour la grande majorité ? Quel rapport peut-il y avoir entre ce fléau grandissant et notre foi ?
Essayons de réfléchir ensemble ...
Développement :
Dans la Bible, nous trouvons ces paroles du roi David :
« Garde le silence devant l'Éternel, et espère en lui ; » Psaume 37 : 7.
Apparemment, il n’y a pas de rapport direct entre la pollution sonore et la foi. Mais nous savons par contre, que le bruit, l’irritation et l’agitation peuvent être de sérieux écueils à la réflexion profonde. Plus fort encore, les spécialistes disent que le bruit a les mêmes effets que les produits dopants. Il entraîne une dépendance. Non seulement le bruit accélère, selon eux, notre irritabilité, mais encore plus grave, il occupe un espace inhospitalier dans notre cerveau. Il crée le besoin de combler un vide, il prend de la place et devient un intrus à notre insu. Ainsi, se met en mouvement un lien de dépendance, préjudiciable à notre bien-être. Le bruit devient presque une drogue ! On a par exemple observé que les personnes qui supportent mal la solitude, redoutent aussi très mal le silence ; comme si elles craignaient de se retrouver seules face à elles-mêmes. Or, ce que beaucoup redoutent est quasiment indispensable à leur formation personnelle.
Toute la psychologie tend à démontrer le bien-fondé d’une démarche où l’on est seul, confronté avec soi-même.
Être seul et faire silence pour mieux se déterminer dans les options de vie est non seulement souhaitable, mais nécessaire. Si cela est valable dans notre quotidien profane, cela est encore plus vrai dans notre chemin de vie spirituelle.
L’histoire biblique met en évidence les incontournables moments de silence qui ont accompagné ceux qui ont approché la réalité de Dieu.
Rappelons que tous les grands hommes de foi ont expérimenté la solitude et le silence, comme une sorte de passage obligé, pour mieux se situer dans leur relation à Dieu.
Depuis Adam jusqu’aux apôtres, en passant par Jésus lui-même, les exemples ne manquent pas. Moïse, Elie, David, Habakuk, Sophonie etc... Tous ont traduit la nécessité d’être seuls et de faire silence devant l’Eternel.
On ne peut oublier que c’est dans le calme de la nature, plus particulièrement dans les endroits désertiques, que les hommes de Dieu se sont préparés pour leur mission.
Le Christ a inauguré son ministère par une retraite dans le désert, et c’est dans la solitude et le silence, qu’il a puisé les forces spirituelles auprès de son père, pour donner du sens à sa mission (cf. Luc 4 : 1-13).
Non seulement le Christ a appliqué ce principe pour lui-même, mais il l’a aussi transmis à ses disciples. Il les invita à se mettre à l’écart de l’agitation, à des moments très précis, à des heures importantes (cf. Marc 6 : 31 ; Marc 9 : 2).
Le but avéré était de recréer les conditions d’un vrai repos, d’un vrai ressourcement, d’une vraie réflexion, d’un vrai lien de communion avec Dieu.
Essayons ensemble de réfléchir sur les aspects positifs du silence et de la solitude.
Pourquoi ce temps de pose, de silence, de méditation est-il nécessaire ?
Prendre soin de revisiter son emploi du temps, dans le calme, en dehors de l’activité du moment est une décision forte utile. Une courte pause est souvent plus salutaire qu’une action irréfléchie sous le coup d’une forte émotion. Il nous faut parfois couper l’oppression de l’urgence…
Dieu avait inculqué à son peuple, l’importance de lui consacrer le meilleur de tout, y compris de son temps : Le jour du sabbat est un temps de recréation, de pose, de raffermissement de la relation à Dieu (cf. exode 20 : 8-11).
Dans une relation d’amour ne donne-t-on pas du prix et de l’importance au rendez-vous qui nous fait rencontrer l’être aimé ?
Dieu désirait de son peuple, le meilleur de ses sentiments, de sa pensée, de son énergie, de son travail, bref de l’usage de son temps... (cf. Deutéronome 6 : 5).
Dieu n’a pas changé, il reste le même, fidèle et attentionné, mais qu’en est-il de nous ? N’y a-t-il pas nécessité à faire silence afin de mieux nous repositionner dans nos bons choix de vie, tout en approfondissant notre relation à Dieu ?
Accaparés par le travail, par les tâches quotidiennes, par toute une multitude de petites sollicitations, nous arrivons, en fin de journée, épuisés.
Trop fatigués, nous n’avons plus envie de faire autre chose que de dormir. Lire, méditer ou entendre la Parole de Dieu (qui contribue pourtant à notre équilibre), devient aléatoire et facultatif.
Le prophète Esaïe déclare : « Car ainsi a parlé le Seigneur, l'Éternel, le Saint d'Israël : C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c'est dans le
calme et la confiance que sera votre force » Esaïe 30 : 15, version LSG.
Assurément, il est bon de s’arrêter et de faire silence. Ce n’est pas du temps perdu, c’est un temps de mise au point nécessaire avec soi-même et son entourage.
Le sage Salomon disait :
« Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux. » Ecclésiastes 3 : 1, version LSG.
La sacro-sainte urgence du moment commande nos vies, il s’ensuit beaucoup de dispersions et souvent une insatisfaction que l’on mesure assez bien avec le recul.
Ce n’est plus le meilleur que l’on peut donner à toutes relations, y compris spirituelles, mais ce qui reste de notre temps et de notre énergie. Ne courrons-nous pas alors le danger d’oublier l’essentiel et de passer à côté de tout ce qui peut fortifier notre engagement de vie et de foi ? Souvenons-nous des paroles de Jésus sur Jérusalem :
« Tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée. » Luc 19 : 44, version LSG.
Et cette autre parole du Seigneur, tout aussi pertinente :
« Mon temps n'est pas encore venu, tandis que le vôtre est toujours prêt. » Jean 7 : 6, version Bible de Jérusalem.
Dieu nous replace dans la permanence de notre temps, à nous de l’utiliser judicieusement… Essayons ensemble d’examiner les bienfaits d’un temps de silence.
Disons qu’il y a, synthétiquement, 2 types de silence :
- L’un est extérieur, même si dans l’absolu, il reste rare.
- L’autre est intérieur. On dit aussi, il faut faire le vide, prendre le temps d’écouter son être profond etc...
Les deux sont nécessaires et complémentaires à notre bien-être, même si l’on considère le silence du cœur comme fondamental.
Exode 14 : 5-16. Développement du contexte (lire).
Ce premier exemple, dans les conditions exceptionnelles que nous connaissons, nous instruit sur la nécessité du silence. Dieu ne pouvait agir, en entendant les cris du peuple qui souhaitait revenir en Egypte. En fait, cette agitation mettait en évidence une situation navrante : Le peuple préférait la servitude égyptienne, plutôt que de suivre le chemin de libération que lui proposait son Dieu. Cela n’a pas dû être simple pour Moïse de contenir cette multitude incrédule. La vision de ce peuple ne prenait en compte que l’aspect matériel et visible des choses. Et pourtant, Dieu déclarait combattre pour eux ; en retour, ils n’avaient qu’à garder le silence, c'est-à-dire, faire confiance tout simplement.
Bien que tout soit différent de nos jours, n’avons-nous pas la même difficulté ? Faute de faire confiance à Dieu sur tout, nous occupons le terrain en nous évertuant à tout vouloir gérer, même si nous ressentons nos limites. Nous pensons assumer notre liberté... Nos cris diffèrent de ceux des israélites, mais ils sont bien présents : cris d’exaspération, de crainte, d’appréhension du lendemain, de peur des attentats, et que dire de nos multiples murmures !
Dieu veut bien combattre pour nous, mais il nous invite à garder le Silence. Il semblerait que ce soit plus difficile qu’il n’y paraît …
Cette invitation tend à nous aider à réapprendre à faire des pauses de silence dans nos cœurs. Un peu comme en musique, où soupirs et silence donnent du relief à la partition.
Garder le silence ne se résume pas à fermer sa bouche, mais plutôt à créer les conditions intérieures pour que le cœur entende ce que Dieu veut nous dire.
« Que toute chair fasse silence devant l’Eternel ! » Zacharie 2 : 13, version LSG.
« Que toute la terre fasse silence devant Dieu » Habakuk 2 : 20., idem.
Dans un texte prophétique à double accomplissement, Sophonie déclare : « Silence devant le Seigneur, l’Eternel ! Car le jour de l’Eternel est proche... » Sophonie 1 : 7, idem.
Et plus loin : « Il fera de toi sa plus grande joie ; il gardera le silence dans son amour ; il aura pour toi des transports d’allégresse. » Sophonie 3 : 17, idem. Dans la conclusion de son livre, Sophonie tente de retraduire les sentiments de Dieu pour son peuple. Il n’est plus question de menaces, de condamnations, d’imprécations de toutes sortes, mais d’un amour qui reste silencieux, tout en éprouvant une joie ineffable et inexprimable.
Dieu garde le silence pour exprimer sa profonde joie de nous aimer ! N’est-ce pas surprenant et touchant à la fois ? Les dernières paroles de notre Père, dans le contexte du temps de la fin et de l’établissement de son royaume, ne sont pas des paroles de jugement, mais d’amour. D’un amour qui exprime une joie débordante dans un temps de silence éloquent. Quelle émotion incomparable !
Apprenons à faire silence pour réviser et reformuler nos engagements d’amour.
Si Dieu envoyait un prophète de nos jours, il nous dirait à peu près ceci :
« Arrêtez, écoutez, réfléchissez, recentrez-vous sur l’essentiel ! Ne foncez pas tête baissée dans la mêlée, dans une agitation fébrile qui ne facilite pas le développement de votre personnalité, encore moins de votre foi. Faites une pause, et faites taire toutes vos préoccupations… ».
Pour faire silence devant l’Eternel, il faut s’arrêter, et prendre du temps. Une relation authentiquement vraie, nécessite du temps et des choix de priorité. La bonne relation a la caractéristique de la disponibilité. Le silence est aussi la distinction du recueillement.
Le silence est un ami, il n’est point à redouter, encore moins à chasser. De multiples bienfaits peuvent accompagner celui ou celle qui veut en faire l’expérience.
C’est Confucius qui a écrit : « Le silence est un ami qui ne trahit jamais » (Livre des sentences, 12,37 ; 6° S. av. J-C).
Le Talmud dit de son côté : « Le silence est le remède à tous les maux » (Megillah, 5°s.). Et, Sénèque de rajouter : « Les misères de la vie enseignent l’art du silence » (Thiestes, 319, en l’an 60 environ).
Quelques grands virtuoses parlent du silence. Le pianiste David Fray a dit : « Pour Schubert le silence est un préalable pour écouter sa musique ». L’expérience spirituelle des hommes de Dieu a intégré cette réalité. David l’a compris, et c’est pourquoi il a écrit :
« Fais de l’Eternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. Recommande ton sort à l’Eternel, mets en lui ta confiance, et il agira. Il fera paraître ta justice comme la lumière, et ton droit comme le soleil à son midi. Garde le silence devant l’Eternel et espère en lui. » Psaume 37 : 4-7a, version LSG.
Ce témoignage de David nous incite à expérimenter quelques pistes d’action :
Dieu nous demande de traverser un chemin de silence, comme les israélites lors du passage de la mer rouge. Symboliquement, c’est peut-être la traversée de nos obscurités
personnelles, de nos rebellions et murmures, de nos prises de pouvoir, en bref, de nos multiples tentatives à combler nos vides...
Comment ? Par la confiance en la toute-puissance d’un Père qui nous aime.
Dieu se porte garant, si nous le voulons bien, de la traversée de l’océan de nos difficultés, multiples et variées. L’expérience démontre que son engagement est vrai. Garder le silence et espérer est souvent la solution à nos problèmes !
C’est aussi entrer dans le sens profond de la prière : Elle est avant tout et surtout, écoute dans le silence de son cœur. Dieu y installe la paix, sérénité et calme.
David a trouvé le secret de cette sagesse, acquise dans la relation avec Dieu :
« Eternel ! Je n’ai ni un cœur qui s’enfle, ni des regards hautains ; je ne m’occupe pas de choses trop grandes et trop élevées pour moi. Loin de là, j’ai l’âme calme et tranquille, comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère ; j’ai l’âme comme un enfant sevré. Israël, mets ton espoir en l’Eternel, dès maintenant et à jamais. » Psaume 131 : 1-3 La version synodale traduit : « j’impose à mon âme le calme et le silence » v.2. Que ces paroles sont belles !
Il y a donc bien un acte de volonté, pour rechercher la tranquillité et la paix intérieure. Et si nous avons une difficulté importante, ne pensez-vous pas que le Seigneur, qui a remis le calme dans une mer en furie, (cf. Marc 4 : 39) peut rendre à nos cœurs, la tranquillité, la sérénité et la paix ?
Si notre corps a besoin de calme et de repos, notre cœur et notre esprit ont eux aussi besoin de silence. Que de tempêtes à faire cesser ! Que de calme à retrouver !
Jérémie, l’homme de Dieu, solitaire et silencieux, a pu écrire par expérience : « Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Eternel. » La traduction œcuménique de la Bible (TOB) traduit : « Il est bon d’espérer en silence le salut du Seigneur. » Lamentations de Jérémie 3 : 25-26.
Conclusion :
Pour rompre avec toutes les sollicitations du moment, les emplois du temps surbookés, les urgences et les imprévus, il faut un acte volitif fort. Les pauses de silence ne sont jamais inutiles, ni improductives. Elles nous fournissent l’opportunité de donner du sens à nos actions.
Sur un plan plus spirituel, les pauses de silence permettent de nous retrouver avec nous-même. Partant de là, la relation à Dieu peut s’installer paisiblement. Son action bénéfique se traduit par un nombre plus restreint d’activités, mais de meilleure qualité. Ce n’est pas le nombre d’heures que nous passons avec notre conjoint ou nos enfants qui importent, mais la qualité de présence à l’autre et aux autres.
« Le silence est la plus haute sagesse de l’homme » (cf. Pindare, Odes néméennes, 5, 18 ; 5è s. av. J-C).
Le silence favorise l’accueil des paroles du Christ. Ne sont-elles pas à propos dans l’ actualité du moment ?
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre. » Jean 14 : 27, version TOB.
Jacques Eychenne
PS : version LSG, Louis Segond de 1982 ; version TOB, traduction Œcuménique de la Bible.