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Les prières de l’apôtre Paul aux Ephésiens 1 : 16-23 ; 3 : 13-21
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Introduction :
L’apôtre Paul arrive à la fin de son parcours de vie. (Il mourra martyr à Rome entre 64 et 68). Infatigable témoin de l’évangile de Christ, il a réclamé une audience à César lors de son arrestation, car Paul est aussi citoyen romain. Ainsi, après avoir comparu devant le Sanhédrin de Jérusalem, puis devant le gouverneur romain Festus, il est entendu par le roi Agrippa. Ce dernier déclare à Festus : « Cet homme aurait pu être relâché, s’il n’en avait pas appelé à César » Actes 26 : 32, version LSG. C’est de ce fait que Paul se retrouve en prison à Rome (dans la célèbre prison Mamertine. Elle fut pendant des siècles la prison de haute sécurité pour les ennemis de Rome qui attendaient leur exécution). Et, c’est de cette prison qu’il écrit très certainement la première de ses épîtres qu’il adresse aux chrétiens d’Éphèse. (Pourquoi Éphèse ? Parce que c’est très probablement dans cette ville que Paul a séjourné le plus longtemps, c’est-à-dire près de trois ans cf. Actes 20 : 31). Parvenu au terme de son périple, c’est dans une pleine maturité d’esprit qu’il écrit à cette communauté bien-aimée. L’apôtre a engrangé une riche expérience aux travers des multiples combats spirituels qu’il a menés. Il a la volonté de raviver dans le cœur de ces Éphésiens un enseignement conforme à l’esprit de Christ. Il ne combat plus les querelles de personnes comme dans la première lettre aux Corinthiens. Il n’est plus dans la défense de son apostolat (cf. 2è lettre aux Corinthiens), ou dans l’opposition à l’enseignement des judaïsants (cf. épître aux Galates) ou des gnostiques (cf. épître aux Colossiens). C’est un homme apaisé, sûr de vouloir atteindre le plus haut personnage de l’époque : César. Dieu a assisté son serviteur en lui révélant des vérités exceptionnelles. Dans sa lettre aux Éphésiens, on perçoit son désir intense de partager les connaissances qu’il a acquises. Il a sondé les desseins divins, et il souhaite que ces destinataires arrivent à comprendre l’incompréhensible, à saisir l’insaisissable pour atteindre l’inaccessible de la révélation divine. Il va surtout dans sa lettre parler de l’importance spirituelle d’une relation à Christ (cf. Ephésiens 1 : 3-14). Et pour préparer le terrain de leur découverte personnelle, il prie pour eux à deux reprises, et ce sont ces deux prières qui vont faire l’objet de notre réflexion.
Développement :
« Je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières. Que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père à qui appartient la gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle et vous le fasse vraiment connaître ; qu'il ouvre votre cœur à sa lumière, pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l'héritage qu'il vous fait partager avec les saints, quelle immense puissance il a déployée en notre faveur à nous les croyants ; son énergie, sa force toute-puissante, il les a mises en œuvre dans le Christ, lorsqu'il l'a ressuscité des morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, bien au-dessus de toute Autorité, Pouvoir, Puissance, Souveraineté et de tout autre nom qui puisse être nommé, non seulement dans ce monde, mais encore dans le monde à venir. Oui, il a tout mis sous ses pieds et il l'a donné, au sommet de tout, pour tête à l'Église qui est son corps, la plénitude de celui que Dieu remplit lui-même totalement » Ephésiens 1 : 16-23, version TOB.
L’apôtre témoigne de son affection pour cette communauté. Il rend grâce de les avoir connus. Il a tissé avec eux une relation pleine d’une affection réelle. Sa prière pour eux est sans cesse renouvelée. Elle se présente comme une action de grâce empreinte de bienveillance. Mais plus encore, il intercède auprès du Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ. Pour quelle raison ? Pour que le Père, à qui appartient la gloire, donne à ses lecteurs un esprit de sagesse.
Cette parole nous interpelle, nous qui nous croyons souvent sages à nos propres yeux ! La vraie sagesse ne peut que nous être communiquée par notre Père. Mais, pour l’apôtre, l’esprit de sagesse est associé dans l’original grec (cf. καὶ = kai = et) à la révélation dans la connaissance du Père. C’est dans le Christ Jésus de Nazareth que cette révélation va être plus concrète pour eux comme pour nous.
Dans sa prière Paul emploie des verbes forts. (φωτίζω = photizo = 1) donner de la lumière, briller 2) éclairer, illuminer 3) apporter à la lumière, rendre évident 3a) faire que quelque chose existe et ainsi vienne à la lumière et devienne clair pour tous 4) éclairer spirituellement). La révélation est avant tout, la transmission d’une lumière. Elle nous vient d’en haut, et elle passe, suivant la belle expression de l’apôtre, par les yeux du cœur. Sans cet éclairage spirituel, il nous est difficile d’avoir une conviction profonde ; autant dire une foi qui peut résister à tous les sarcasmes de nos contemporains. C’est donc en regard de cette illumination intérieure que l’on peut répondre à l’appel du Père auquel est rattachée notre véritable espérance. Elle nous entraîne dans la découverte de la richesse de sa gloire, ainsi que dans l’extraordinaire grandeur de sa puissance.
Tout a été déployé au travers de l’œuvre accomplie par notre Seigneur Jésus-Christ lorsque le Père l’a ressuscité d’entre les morts pour le faire asseoir à ses côtés dans les cieux.
Paul rappelle les conséquences de l’action du Père auprès du Fils aux Ephésiens :
Quelle force dans la première prière de l’apôtre Paul ! A nous d’accepter d’être éclairé pour saisir la force et la profondeur d’une telle prière…
Nous venons de prendre connaissance de l’intensité des mots clefs de cette première prière de l’apôtre, abordons maintenant le contenu de sa deuxième intercession auprès du Père.
Elle s’inscrit dans le même contexte. Paul rappelle au début de son chapitre les trois raisons pour lesquelles il est en prison. Il décrit clairement leur contexte : « moi, Paul, le prisonnier de Christ pour vous païens… » Ephésiens 3 : 1, version LSG.
Puis, il en vient à la formulation de sa seconde requête :
« Je vous en prie, ne vous laissez pas abattre par les épreuves que j'endure pour vous ; elles sont votre gloire ! C'est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom. Qu'Il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu. À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire, dans l'Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles ! Amen » Ephésiens 3 : 13-21, version FBJ.
Dans sa première prière inspirée, l’apôtre avait rappelé les privilèges étendus maintenant aux païens, c’est-à-dire, à cette époque, à tous les croyants du monde gréco-romain. Ils sont, dès à présent, devenus participants et bénéficiaires de la victoire rédemptrice du Seigneur Jésus-Christ. Cette réalité réjouit Paul. Elle constitue l’essence de sa vocation. Son appel venant directement du Christ a mis du temps à être reconnu, mais tout cela est loin derrière lui à présent, et l’apôtre est habité par une profonde reconnaissance. Alors, il prie pour ceux qui ont reçu le message divin et il le fait à genoux. Cette attitude, qui se traduit par une position de son corps alors qu’il est très certainement enchaîné à un gardien (cf. Ephésiens 6 : 20), exprime son humilité, sa constante dépendance à Dieu, et surtout sa totale confiance envers celui qui l’a constamment accompagné et assisté dans les tribulations (cf. 2 Corinthiens 11 : 22-33).
Il prie devant le Père. Cette mention nous rappelle que la seule invocation recommandée dans le Nouveau Testament est bien celle enseignée par le Christ lui-même (cf. Matthieu 6 : 9-13). Et l’apôtre en donne la raison :
« Je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom ». La paternité de nos vies appartient à Dieu. Nos parents biologiques n’ont fait que reproduire ce qui leur a été donné. Et l’on peut remonter ainsi à la création des humains en Eden. L’apôtre Paul avait déjà explicité cette référence historique fondamentale lors de son discours à l’aéropage d’Athènes : « il a fait d'un seul sang toutes les races des hommes pour habiter sur toute la face de la terre, ayant déterminé les temps ordonnés et les bornes de leur habitation » Actes 17 : 26, version JND.
Ainsi, nos prières devraient être adressées au Père, au nom du Fils, et avec l’aide de L’esprit. Retenons que nous pouvons, sans réserve, nous approcher de notre Père avec une confiance filiale. Elle est exprimée par Paul avec les mots grecs de son temps : πατριά = patria = 1) lignée arrivant à une progéniture, les aïeux 2) une race ou tribu 2a) un groupe de familles, tous ceux qui dans un peuple donné peuvent affirmer leur origine commune. (Mot très proche du mot : Père = πατήρ = patêr). De même que nous recevons, aujourd’hui, à notre naissance, le nom de notre père, de même par la foi nous sommes rattachés à la grande famille céleste. Nous sommes appelés enfants de Dieu. Quel immense privilège ! L’apôtre Jean déclare : « mais à tous ceux qui l’ont reçu (cf. Christ, lumière du monde), à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » Jean 1 : 12-13, version TOB.
Comment l’apôtre articule, avec assurance, l’exaucement de sa prière ?
Par son expérience, au travers d’un vécu riche en situations complexes et dangereuses. Mais il a toujours été assisté par l’esprit divin. Alors, sans réserve, il présente sa requête et il sait que Dieu va répondre. Il est convaincu que c’est Dieu qui donne « selon la richesse de sa gloire ». Cette expression ne nous dit pas grand-chose, car nous ne pouvons pas comprendre cette gloire. Elle nous est totalement étrangère. Elle fait référence à toutes les perfections divines dans leur plénitude.
Mais paradoxalement, c’est bien ainsi ! Cela sollicite notre adhésion de cœur. Le rédacteur de l’épître aux hébreux (peut-être Paul lui-même) le dira mieux que personne : « La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas » Hébreux 11 : 1, version LSG. La foi nous permet d’aller au-delà du visible et du connu, tout en développant en nous une conviction solide dans la véracité des paroles du Christ. La prière nous ouvre un espace de confiance dans lequel on peut s’exprimer, sans réserve et sans peur d’être incompris.
L’intercession de l’apôtre baigne dans l’assurance d’être entendu et la confiance que Dieu répondra de la meilleure façon pour le bien de ces Ephésiens. C’est pour cela qu’il ose demander pour eux une triple bénédiction :
De même que le salut est venu par l’action conjuguée du Père, du Fils et de l’Esprit, de même l’expérience personnelle doit nous conduire à une découverte possible des merveilles émanant du divin. Ce qui autrefois dans le temps a été concret et objectif (cf. la création du monde, le ministère terrestre du Christ, les langues de feu à la Pentecôte), devient maintenant, pour chacun de nous, une œuvre divine plus intérieure et subjective. L’accueil de l’amour du Christ dans nos vies relève d’une réalité expérimentale. Comme Paul le dit dans sa lettre, il est question d’un vécu relationnel : nous sommes en Christ et lui aussi est en nous.
Ainsi, s’opère une transformation qui possède en elle-même un principe relationnel simple. Il est présenté par l’apôtre Jean quand il rapporte les paroles du Sauveur :
« Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s 'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez pas non plus, si vous ne demeurez en moi. » Jean 15 : 4, version NEG.
Ce que l’apôtre demande pour ceux qu’il chérit s’apparente à un réarmement moral et spirituel.
« Qu'Il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur… » Ephésiens 3 : 16, version TOB.
Il le répète en conclusion de sa prière :
« À celui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer » Ephésiens 3 : 20, version TOB.
Il est plus question dans la pensée de Paul de l’action permanente de l’œuvre de l’Esprit qui fortifie notre être intérieur, que du baptême du Saint-Esprit comme à la Pentecôte. Normalement, tout ayant foi sincère reçoit à son baptême le Saint-Esprit. On est baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! Cette promesse est accueillie par la foi. La manifestation historique unique de la Pentecôte était appelée à devenir plus intérieure et plus permanente. L’apôtre la soulignera en écrivant aux chrétiens de la Galatie :
« Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n'es-tu plus esclave mais fils ; fils, et donc héritier de par Dieu » Galates 4 : 6-7, version FBJ (cf. 1 Corinthiens 12 : 13 ; Romains 8 : 9).
Conclusion :
Quand on essaie de revisiter l’histoire et les conditions dans lesquelles au départ Paul fut emprisonné, on se dit que présenter au Père ces deux prières relève d’une démarche d’amour qui dépasse l’entendement humain. A l’instar du Seigneur Jésus, son serviteur met entre parenthèse toute sa souffrance pour n’avoir comme préoccupation que le bonheur de ceux qu’il a connus. C’est là, dans le concret de sa vie que l’on mesure le chemin parcouru. D’un loup pourchassant les chrétiens, Paul a été métamorphosé en agneau, dans l’imitation de l’Agneau de Dieu (cf. Jésus-Christ, Jean 1 : 29).
Il y a déjà là pour chacun de nous matière à réflexion.
Mais il y a plus, l’apôtre nous invite, en filigrane, à plus de hardiesse dans nos prières. Il nous transfuse son assurance en nous disant que Dieu, le Père, peut nous répondre au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons. L’Esprit Saint nous assiste en permanence, même quand nous avons du mal à mettre des mots sur nos ressentis et nos pensées profondes (cf. Romains 8 : 26).
Dans ses deux requêtes, l’apôtre Paul synthétise et présente l’essentiel de la pensée chrétienne. Tout est épuré, les mots sont justes et puissants. Une lecture attentive mérite de retenir toute notre attention. Laissons l’Esprit œuvrer en nous pour nous conduire sur la voie de l’éternité.
« Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie » Apocalypse 22 : 17, version JND.
« Croire en quelque chose et ne pas le vivre, c’est malhonnête » Gandhi
Jacques Eychenne
PS : LSG, version Louis Segond 1982 ; TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible ; FBJ, version Française de la Bible de Jérusalem ; JND, version John Nelson Darby.