Les âmes qui crient

 

 

     Les âmes qui crient

            sous l’autel

       Apocalypse 6 : 9-11

Introduction :

 

Le livre de l’Apocalypse est avant tout une révélation de Jésus-Christ. Son introduction nous dit son objectif. Il est de nous dévoiler ce qui relève de son autorité, comme une réponse apaisante aux larmes et aux prières des chrétiens persécutés. Ces révélations ont été transmises par Dieu à son Fils, qui lui-même par son ange, les a communiquées à l’Apôtre Jean à la fin de son ministère. Il était alors dans une petite île nommée Patmos à cause du témoignage qu’il rendait à la Parole de Christ. Isolé de tout et des siens, c’est là que Jean reçoit la consolation divine, certainement après de nombreuses interrogations sur l’avenir des communautés chrétiennes. Le Seigneur a décidé d’agir à cet endroit, et dans ce temps, car il devenait nécessaire de faire connaître à ses serviteurs ce qui devait arriver bientôt. On sait par les documents historiques que nous possédons, que dès la mort du dernier Apôtre (cf. Jean), les persécutions et agressions de toute nature ont visé ceux et celles qui voulaient rester fidèles aux paroles du Christ.

Ainsi, même si le contenu de ce livre est ardu, il n’en reste pas moins fascinant. Toutefois, le penchant naturel de l’humain incline beaucoup à traduire ce texte en disant tout et son contraire. Il faut donc avec circonspection aborder le décryptage de ce livre, et faire acte d’humilité. En transversale son contenu a pour but de soutenir l’Eglise chrétienne dans son combat contre le mal.

 

Développement :

 

Essayons maintenant d’aborder le passage qui est livré à notre réflexion. J’esquisse un commentaire de texte qui n’a pas pour vocation de délivrer une vérité ex cathedra.

« Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu’ils avaient rendu » Apocalypse 6 : 9, version LSG.

A l’évidence, nous entrons là dans le langage symbolique de l’apocalypse et dans un contexte de jugement. Les sceaux font référence à une justice légale. Ils sont la marque d’une autorité qui a pouvoir de décision. Le verset qui suit ce texte parlent de jugement dans une action se déroulant sur la terre.

Cela éclaire l’exégèse de notre texte. Il s’agit du témoignage des martyrs, c’est-à-dire, de tous ceux qui ont payé de leur vie leur fidélité à Dieu. Tous ces témoignages plaident en faveur d’une justice divine. Symboliquement ces témoignages de foi sont placés sous l’autel. De quel autel s’agit-il ? Il peut s’agir de l’autel des holocaustes du tabernacle

« céleste ». Lors de la création du sanctuaire terrestre, le descriptif sacrificiel ordonnait que Le sang des victimes expiatoires soit répandu au pied de l’autel des holocaustes et sur les cornes (cf. Lévitique 4 : 7). Rappelons que l’hébreu ne percevait pas ce qui était abstrait. De ce fait et pour lui, l’âme vivante était dans le sang (cf. Lévitique 17 : 11). Ce geste équivalait à offrir sa vie à Dieu dans un état d’esprit de réconciliation.

Mais cet autel peut aussi correspondre à l’autel des parfums. Il symbolisait tout ce que l’on voulait faire monter vers Dieu comme doléances. Il représentait la montée des prières vers Dieu (cf. Apocalypse 8 :3-4). Il était réel dans le sanctuaire israélite (cf. Exode 30 :1). Le sang des victimes immolées était répandu au pied de l’autel. Il symbolise pour nous aujourd’hui toutes nos prières au travers de l’intercession du Christ (cf. Hébreux 7 :25-28 ; Jean 17). Ce qui monte vers Dieu, ce ne sont pas les âmes à la mort, dont on voit mal comment elles pourraient prendre place réellement sous l’autel, mais plus précisément la force du témoignage de tous les héros de la foi qui ont œuvré pour Dieu. Nous pourrions dire : Leurs témoignages traversent l’histoire, ou comme le dit Jean dans son apocalypse : « Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent. » Apocalypse 14 : 13, version LSG. Le repos de la mort n’arrête nullement le témoignage des héros de la foi (cf. Hébreux 11).   (Remarque : dans la pensée hébraïque l’âme désigne l’être global et non une partie. L’âme, c’est l’être vivant, en Hébreu הָֽאָדָ֖ם : cf. Genèse 2 : 9 ; le mot Nephesh a été traduit dans certaines versions par âme, mais il fait référence d’abord à l’être vivant ou au souffle. Dieu a soufflé dans les narines de ce qu’il avait façonné de la poussière de la terre pour lui donner vie. Par la suite, on a souvent confondu l’âme et l’esprit. Même en conservant le mot âme, elle est définie comme mortelle cf. Ezéchiel 18 : 4. Pour éviter la méprise la version catholique TOB traduit justement : « celui qui pèche, c’est lui qui mourra ». Notons que dans la pensée populaire, quand un village a trois milles âmes, cela équivaut à trois milles personnes. A la mort, c’est l’Esprit qui retourne à Dieu cf. Jean 19 : 30. La marque de notre identité est conservée par Dieu jusqu’au jugement dernier cf. Apocalypse 20 : 4-6).

 

Mais revenons au texte : Jean voit sous l’autel les martyrs en souffrance. Cette position est symbolique, car on voit bien au chapitre suivant une grande foule. Tous ces fidèles sont revêtus de robes blanches symboles de la justice divine.

« Ils crièrent d’une voix forte, en disant : Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? » Apocalypse 6 : 10, version LSG.

Le texte confirme bien que nous sommes dans un contexte de jugement. C’est déjà une précision importante, et nous verrons plus loin pourquoi . Mais comment comprendre les cris des témoins fidèles de tous les temps ?

Il faut se référer à la signification du cri dans l’ensemble de la révélation. Il symbolise l’injustice. On le voit dès la genèse. « Dieu dit à Caïn : qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi » Genèse 4 : 10, version LSG. On comprend bien que le sang ne crie pas réellement, mais que la situation réclame justice. D’ailleurs, ne parle-t-on pas, en langage courant, de justice criante ! Il en va de même dans notre texte, c’est le témoignage de tous les fidèles qui crient et continuent de crier pour que justice soit faite par Dieu, seul juge. Il en a été de même pour Sodome (cf. Genèse 18 : 20 ; 19 :13).

Un texte est significatif à ce sujet : « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ? » Luc 18 : 8, version LSG. La symbolique est manifeste... Il en va de même pour cet autre texte : « Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées » Jacques 5 : 4, version LSG.

C’est l’injustice (et toutes les souffrances dont elles sont la cause) qui s’exprime par tous ces cris de la terre qui sont entendus par Dieu, comme chacune de nos prières. Le côté insupportable des épreuves est qu’elles perdurent dans le temps. C’est ce qui justifie la supplique : « Jusques à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice et à venger notre sang sur les habitants de la terre ? » Apocalypse 6 : 10, version TOB. Cette prière ne peut s’adresser qu’à ce Maître souverain qui seul peut intervenir dans la solution finale des problèmes de notre planète bleue. Notons que le verbe venger est à comprendre dans la bouche des saints comme la demande d’en appeler à la justice divine. Venger = réclamer le droit (cf. Luc 18 : 3).

« Une robe blanche fut donnée à chacun d’eux ; et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que soit complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux » Apocalypse 6 : 11, version LSG.

Une robe blanche fut donnée à chacun d’eux. Verset 11a

Si nous avions un doute pour dire que nous sommes bien dans un contexte de jugement, cette fois, le doute n’est plus possible.

En effet, quand les robes blanches (symboliques ou réelles ?) seront-elles remises aux élus ? Après le jugement.

Or, nous savons que Dieu a fixé un jour de jugement (cf. Actes 17 :30-31) et que ce jour précèdera son retour (cf. Matthieu 25 : 31-46). Il commencera par les élus faisant partie de la maison de Dieu (cf. 1 Pierre 4 : 17). Mais ce n’est que dans le contexte de son retour que le jugement final est défini : « Le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres » Matthieu 16 : 27, version LSG. Paul confirme le fait, en nous recommandant de ne pas juger son prochain, car cela appartient au Seigneur et à Dieu : « C’est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due » 1 Corinthiens 4 : 5, version LSG.  Et il rappelle : « Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps » 2 Corinthiens 5 : 10, version LSG. Ailleurs, il précise encore : « C’est une preuve du juste jugement de Dieu, pour que vous soyez jugés dignes du royaume de Dieu, pour lequel vous souffrez. Car il est de la justice de Dieu de rendre l’affliction à ceux qui vous affligent et de vous donner, à vous qui êtes affligés, du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra (αποκαλυψίσ= apocalupsis = apocalypse. C’est l’instant de la révélation glorieuse du Seigneur) du ciel avec les anges de sa puissance » 2 Thessaloniciens 1 : 5-7, version LSG.  Dans le cadre de cette apocalypse, il est aussi clair que la remise de cette robe blanche (symbolique ou pas) se situe (d’après l’apôtre) dans le contexte de son retour : « Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon son œuvre » Apocalypse 22 : 12, version LSG.

Toutefois, ne soyons pas dans la crainte par rapport à ce jugement, Jean nous rassure : « Celui qui croit (au Fils unique) n’est point jugé » Jean 3 : 22, version LSG. (Notre cas sera bien examiné, mais une relaxe sera prononcée en notre faveur, grâce au sacrifice du Christ et à sa plaidoirie devant le père. Son intercession gratifiante nous l’acceptons par la foi).

Ainsi, quelle que soit l’approche que l’on puisse avoir de ces textes, il est indéniable que les robes blanches ne seront remises qu’après le jugement qui précède la venue en gloire de notre Seigneur, et non à la mort de chaque individu. C’est tellement vrai que Jean a eu l’insigne honneur de voir, par anticipation, la scène des rachetés revêtus de robes blanches. Cette scène lui a été montrée après le 6ème sceau décrivant les derniers bouleversements frappants notre monde. (cf. Apocalypse 7 : 9-17, à comparer avec Apocalypse 21 : 1-4).

« Il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que soit complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux » Verset 11b.

Cette précision de Jean est très intéressante. L’expression se tenir en repos est en rapport avec le temps d’attente dans la mort.  

Αναπαυσονταί= du verbe = anapauo = αναπαυω = permettre à quelqu’un de cesser toute activité ou travail ; se reposer ; rester tranquille dans une attente calme et patiente ; par extension être mort ; même verbe dans Apocalypse 14 : 13. La forme du verbe à l’aoriste indique que l’action est réalisée et complète, et qu’elle se perpétue dans le temps. C’est le verbe de la narration par excellence. Ce temps d’attente est ponctué par la résurrection qui remet debout et en marche (on se relève pour contempler la gloire de Dieu). Rappelons-nous que Jean est juif. Il a été instruit dans la culture hébraïque de son temps. L’être humain n’a pas une âme, il est une âme (c’est ce qu’un théologien catholique, Claude Tresmontant, a démontré (1). Jésus n’a jamais contredit cette vérité. Les prophètes ont une position unanime sur le sujet.

Daniel qui était arrivé à la fin de sa vie reçut la révélation du Seigneur en ces termes : « Et toi, marche vers ta fin ; tu te reposeras, et tu seras debout pour ton héritage à la fin des jours. » Daniel 12 : 13, version LSG.

Se reposer, se coucher avec ses pères, être dans le sommeil sont des expressions synonymes pour illustrer le temps de la mort. « Ainsi l’homme se couche et ne se relèvera plus, il ne se réveillera pas tant que les cieux subsisteront, il ne sortira pas de son sommeil... Si l’homme une fois mort pouvait revivre, j’aurais de l’espoir tout le temps de mes souffrances, jusqu’à ce que mon état vînt à changer. » Job 14 : 12,14, version LSG.

Mais pourquoi doivent-ils se tenir en repos et être dans l’attente ?

Pour que le nombre des rachetés de tous les temps soit complet. Mais pour l’instant, aux yeux de Dieu, il ne l’est pas. En dehors de 3 cas bien connus qui relèvent du choix de Dieu, l’auteur de l’Apocalypse nous dit que « personne n’est monté au ciel. »   Jean 3 :13.  Tous les morts sont dans l’attente de la résurrection au retour du Christ. (cf. 1 Thessaloniciens 4 : 15-18). C’est pour cette raison que Paul, rappelant les noms des héros de la foi, déclare qu’ils sont morts sans avoir obtenu ce qui leur était promis. Toutes ces merveilles de la résurrection, ainsi que de l’entrée dans le royaume éternel, certains les ont vues en vision, d’autres les ont saluées de loin, Mais ils reconnaissaient qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre (cf. Hébreux 11 : 13,39-40). Autant dire que pour eux la récompense était à venir ! C’est elle qui nourrissait et continue de nourrir l’espérance (ce ne serait point le cas si l’âme, de suite après la mort, était déjà dans la félicité).

C’est donc bien tous ensemble que nous entrerons dans la réalité bienheureuse du royaume éternel. L’apôtre Jean a eu l’immense privilège de voir ce spectacle grandiose :

« Après cela, je regardai, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l’Agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains... » Apocalypse 7 : 9, version LSG.  

 

Conclusion : 

 

Ce passage d’Apocalypse 6 : 9-11 contredit la croyance en l’immortalité de l’âme. Une analyse de texte, qui ne prend pas en compte le contexte symbolique de l’apocalypse, ni l’ensemble des textes inspirés sur ce sujet, peut conduire à une méprise. Certes, nous avons le devoir de respecter des compréhensions autres, mais nous avons aussi pour mission de redire la cohérence du plan divin dans ses moindres détails. Toutefois, sachant que le décryptage du symbolisme du livre de l’Apocalypse est loin d’être évident pour tous, nous devons manifester de l’empathie pour tous ceux et celles qui caressent ce vieux rêve humain de l’immortalité. Ne pouvant accepter que notre vie soit une fin, la doctrine de l’immortalité de l’âme se présente comme une consolation. On oublie que son origine est païenne et que les paroles du Seigneur Jésus sont suffisantes pour entretenir notre foi. L’esprit qui devrait conduire notre action est toute entière résumée dans l’épître aux Hébreux chapitre 11.

Soyons clairs ! Ce n’est pas ce que nous croyons qui modifiera d’un iota le plan parfait de YHWH-Adonaï, notre Père. Réaffirmons que son projet prévoit une finalité heureuse pour chacun de nous, et c’est bien là l’essentiel. Nous pouvons nous tromper dans la compréhension du contenu du livre de l’Apocalypse… Mais si notre cœur est tout entier, par amour, porté vers notre Père, grâce à Jésus-Christ et au Saint Esprit, nous pouvons appréhender l’avenir avec confiance et sérénité.

« Nous sommes tous dans le ruisseau, mais certains d’entre nous regardent les étoiles » Oscar Wilde, écrivain, dramaturge, poète irlandais.

                                                                                     

                                                                                 Jacques Eychenne

 

 

PS : (1) Claude Tresmontant (1925-1997) philosophe français, helléniste et hébraïsant, traite un sujet fondamental de l’anthropologie biblique. Pour lui, l’âme a fait l’objet de nombreux malentendus, lesquels sont à l’origine de fausses conceptions de l’humain, de sa vie, et de son destin. Il revisite le sens des mots corps, âme, chair etc. de manière à évacuer enfin les erreurs du passé. (cf. Claude Tresmontant, le problème de l’âme, Editions du Seuil, Paris 1971).

LSG, version Louis Segond 1982 et 2010 ; TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible.

 

 

 

 

 

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