Le règne du Père

 

 

Le règne du Père

   Marc 4 : 30-34

Introduction :

 

Dès le début de son ministère en Galilée, le Seigneur Jésus a utilisé le langage des paraboles. C’est par le côté imagé et symbolique qu’il présenta un message simple, accessible à tous. Evoluant dans un milieu naturel, Jésus a choisi les illustrations qui étaient à la portée de chacun. L’art de l’enseignement est précisément d’utiliser tous les moyens clairs et disponibles pour inscrire dans la mémoire ce qui est essentiel. L’observation de la nature se présentait comme un livre ouvert. Bien avant la télévision, Jésus a choisi de privilégier les moyens audio-visuels pour communiquer avec son auditoire. « Jésus se mit de nouveau à enseigner au bord de la mer. Une grande foule s'étant assemblée auprès de lui, il monta et s'assit dans une barque, sur la mer. Toute la foule était à terre sur le rivage. Il leur enseigna beaucoup de choses en paraboles… »  Marc 4 : 1-2. Non seulement le Christ, grand maître en pédagogie, a employé ce langage, mais plus encore, il a expliqué aux apôtres le sens profond de sa démarche. « Il leur disait : « à vous, le mystère du règne de Dieu est donné, mais pour ceux du dehors tout se passes en paraboles » Marc 4 : 11, version TOB.

Les apôtres devaient comprendre le sens profond de son enseignement, car ils étaient appelés à le diffuser. Mais aussi, le texte met en évidence le contraste entre le « vous » ὑμῖν (les apôtres) et « ceux-là, « ἐκείνοις = ekeinois = (ceux du dehors= l’auditoire).   Dès lors, que faut-il comprendre ? Sinon que nous sommes invités à sortir d’une conception de tri sélectif, pour entrer dans une vision prophétique. Remarquons que le Seigneur décrit ce qui allait malheureusement se produire. Beaucoup de personnes de son auditoire, venues par curiosité n’ont pas adhéré à son message. Si le Christ avait eu pour intention de ne pas leur faire connaître la vérité, il aurait suffi de ne pas leur parler. C’est en réponse à l’endurcissement d’un nombre important de ses écoutants, que le Christ a choisi de parler en paraboles. C’est ce qu’il a expliqué à Nicodème « En vérité, en vérité, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et, pourtant, vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel ? » Jean 3 : 11-12, version TOB.

Pourtant, les avantages de la méthode (le parler en paraboles) étaient pluriels : - Rendre son message plus vivant et accessible, même aux enfants. – forcer la réflexion centrée sur le sens symbolique du message – décourager les auditeurs superficiels ou mal intentionnés – permettre à ceux qui désiraient vraiment comprendre de poser des questions après coup – faciliter une découverte personnelle afin de saisir la beauté de son propos… 

Aussi, à notre tour, attardons-nous maintenant sur la quatrième parabole rapportée par l’Evangile de Marc. Sa présentation métaphorique, en lien avec le royaume du Père, nous parle de la plus petite graine potagère qui devient un arbre (chez Matthieu et Luc).

 

Développement :

 

« Il dit encore : à quoi comparerons-nous le royaume de Dieu, ou par quelle parabole le représenterons-nous ? Il est semblable à un grain de sénevé, qui, lorsqu’on le sème en terre, est la plus petite de toutes les semences qui sont sur la terre ; mais, lorsqu'il a été semé, il monte, devient plus grand que tous les légumes, et pousse de grandes branches, en sorte que les oiseaux du ciel peuvent habiter sous son ombre. C'est par beaucoup de paraboles de ce genre qu'il leur annonçait la parole, selon qu'ils étaient capables de l'entendre. Il ne leur parlait point sans parabole ; mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. »  Marc 4 : 30-34, version LSG. 

 

Après avoir parlé de la parabole du semeur, puis de la lampe qui éclaire ce qui est caché, Jésus revient à la parabole de la semence pour mettre en évidence l’importance de la croissance spirituelle. Enfin, avant de traverser le lac de Galilée avec ses disciples, le Seigneur délivre la dernière parabole du grain de sénevé. Elle a pour objet de nous de faire comprendre ce qui se rapporte au royaume de Dieu à venir.  Ce royaume a des spécificités merveilleuses qu’il est difficile d’embrasser en une seule fois. Le Christ va donc souligner plusieurs traits caractéristiques de ce royaume. Il procède par comparaison et contraste, c’est pourquoi il choisit le grain de sénevé ou grain de moutarde (Le grain de sénevé (σίναπι) appelé sinapis par les herboristes, est le nom commun de la plante dont les grains fournissent la moutarde. Cette graine est de la même famille que le colza avec lequel elle peut parfois être confondue. Les chardonnerets sont friands de ses petites graines. En Palestine, cette plante a très rarement dépassé les 2 m. Mais qu’est-ce que cette graine a de particulier ?).

Les trois versions synoptiques (Matthieu, Marc, Luc) partent d’abord d’une plantation, puis ensuite d’une croissance (Matthieu et Luc utilisent le verbe αὐξάνω = auxanau = grandir, tandis que Marc préfère le verbe anabaïnau = anabainau = monter, grimper), et pour finir, nous présente le stade adulte (avec l’idée d’une grande dimension comme un arbre majestueux ; la symbolique de l’arbre est courante dans l’Ancien Testament). De la plus petite plante, elle devient la plus grande ! Non seulement le Seigneur utilise une métaphore facile à saisir, mais les rabbins nous disent qu’Il a utilisé une référence connue dans la Mishna et le Talmud. Ainsi, les intellectuels, comme les gens du peuple, n’étaient pas surpris par le contenu de son discours. Observons encore l’idée d’un rassemblement protecteur ; Les oiseaux viennent habiter (κατασκηνόω = kataskenoo = planter sa tente, fixer sa demeure, demeurer) sous son ombre (Il y a de la place pour tout le monde, car on parle des oiseaux du ciel, sans distinction).

 

Avant d’aller plus loin, disons que la symbolique de la graine véhicule l’histoire de la vie. La vie, dont le mystère hante les chercheurs. Il est en germe dans la semence. Cette vie prodigieuse, devant laquelle nous sommes tous spectateurs plus ou moins émerveillés, sera bien présente dans le royaume du Père. C’est la première bonne nouvelle que nous enseigne cette parabole ! Et de même qu’il est difficile en regardant un grain de sénevé de prévoir une telle explosion de vie, de même il nous est difficile d’appréhender toute la puissance de vie qui régnera dans le royaume de Dieu. Maintenant, revenons à notre question : cette graine a-t-elle un pouvoir particulier ?  Oui et non. Le oui sous-tend une condition : il faut que cette graine soit portée en terre. Sinon aussi longtemps qu’elle ne sera pas en contact avec l’humus de la terre, rien ne se produira. Jésus précise qu’il faut la semer en terre. Jésus essaie de faire comprendre à ses auditeurs que la puissance de la vie doit être portée dans la terre de leur cœur. Si la force de vie que le Seigneur veut nous communiquer n’est pas accueillie, alors la graine n’évoluera pas. Elle restera graine. Pour qu’elle produise, il faut qu’elle soit semée. Dans la première parabole Jésus avait déjà dit : « le semeur sème la parole » Marc 4 14. La première démarche est d’accepter le présent de cette semence. Ensuite, il s’agit de savoir ce que l’on veut en faire. L’apôtre Paul écrira : « Songez-y : qui sème chichement moissonnera aussi chichement ; qui sème largement moissonnera aussi largement. »  2 Corinthiens 9 : 6, version FBJ. Et ailleurs, il précisera :

« Ne vous y trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Car ce que l'on sème, on le récolte : qui sème dans sa chair, récoltera de la chair la corruption ; qui sème dans l'esprit, récoltera de l'esprit la vie éternelle. Ne nous lassons pas de faire le bien ; en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas » Galates 6 : 7- 9, Version FBJ.

 

Jésus (la parole de vie cf. Jean 1 : 1,4) veut semer en nous cette semence de vie. Elle a le pouvoir d’être efficiente pour l’éternité (cf. Jean 17 : 3). Les prophètes ont souvent mis en garde le peuple sur la façon d’utiliser cette semence de vie (cf. Aggée 1 : 6 ; Osée 10 : 12 : Jérémie 4 : 3). Si maintenant le Seigneur insiste sur l’aspect physique de cette graine, c’est qu’il veut nous mettre devant un contraste.  Contraste entre un avant et un après l’avoir mise en terre. Effectivement, cette graine est particulièrement petite (elle est « μικρός » micros en grec). Elle paraît minuscule, mais ce qu’elle contient en germe est fabuleux. Là où le regard humain voit l’insignifiant, voire le ridicule, le Christ voit ce qui est le plus grand. Ce procédé pédagogique du contraste a très bien été illustré par l’apôtre Paul quand il écrit : « mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. »  1 Corinthiens 1 : 27-29.

Tout change d’une façon exponentielle quand la graine est semée. Avec l’aide précieuse du Saint-Esprit, il en va de même de la foi. Elle est semée par l’Esprit dans le cœur de l’homme et son résultat est étonnant. Le texte de la parabole dit que « quand le grain est semé, il monte et devient plus grand que tous les légumes » Marc 4 : 32. La puissance prodigieuse de la vie le tire vers le haut. Partant de l’obscurité de la terre, le grain doit croître vers la lumière. Le grain n’a pas d’autre alternative. C’est croître ou mourir.

Tout se passe en silence, en profondeur, mais avec une force inouïe. Qui aurait pu penser cela en regardant ce grain, difficile à tenir entre ses doigts ! Le royaume de Dieu n’est pas une œuvre admirable et gigantesque qui s’impose d’une façon irréfutable. Il respecte le choix et la sensibilité de chacun. C’est en partant de l’insignifiant que Dieu nous fait découvrir le merveilleux de son royaume, ici et maintenant. Pour cela, il faut que nous acceptions de monter vers la lumière, de percer la croûte terrestre pour nous élancer vers le ciel.

 

Dieu dépose par son Esprit, et par sa Parole, la petite graine de la foi dans nos cœurs. Si le terrain est favorable, Dieu se porte garant de son bon et beau développement. Notre participation, cet accueil parfois mystérieux, consiste à présenter un cœur bien disposé. La croissance de la foi (graine), si extraordinaire soit-elle, n’est pas le fait de l’homme. Quand le cultivateur a semé, qu’il veille toutes les nuits ou qu’il dorme profondément, il n’aura aucune incidence sur le développement de sa semence. Il ne peut qu’attendre et espérer (c’est la conclusion du livre d’Alexandre Dumas dans Monte-Cristo). Plus tard, il s’assurera que rien ne vienne perturber la croissance de ce qu’il a semé. L’action du cultivateur se situe surtout avant et après que la plante ait atteint sa maturité.

A l’exemple d’une terre bien retournée, si notre cœur et notre esprit sont prêts, alors la magie de la croissance s’opèrera (La plante grandit et dépasse tous les légumes). Des branches se forment. Des oiseaux peuvent s’y poser et même s’abriter. Ils construisent leur nid à l’ombre de ses feuilles. Quelle superbe image du royaume de Dieu !

Dieu a agi pour que le cœur de l’homme soit bien disposé à accueillir la semence de la foi. Jean-Baptiste a reçu cette mission :

« il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener les cœurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. »  Luc 1 : 17.  Après lui, vint Jésus : « après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l'Évangile de Dieu. Il disait : le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle » Marc 1 : 14-15.

Le royaume est donc le lieu où la croissance de notre foi parviendra à maturité. Pour l’heure, nous sommes en marche (en croissance) vers ce royaume. Utopie pour les uns, bouée de sauvetage pour les autres, mais qu’importent les regards extérieurs. Dieu seul peut pénétrer les motivations profondes de notre cœur. L’important est d’être concentré sur la croissance que Dieu produit en nous et de rester humble. L’apôtre Paul le dit très bien :

« (aujourd’hui) nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant. Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. » 1 Corinthiens 13 : 9-12, version LSG.

 C’est grâce à la croissance du grain de sénevé, elle-même œuvre de Dieu, que la plante atteint sa pleine maturité. Ce qui est vrai dans le monde végétal, l’est aussi dans le monde spirituel. C’est par l’action de l’Esprit que notre croissance s’opère, et c’est par elle aussi qui nous sommes responsabilisés dans notre relation au Père et à autrui. « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »  Matthieu 22 : 37-39, version LSG.  Il est important de comprendre que le grain ne pousse pas pour lui-même. Sa raison d’être est de porter du fruit. Il sera partagé et utile au monde qui l’entoure.

De même, notre croissance spirituelle ne nous appartient pas en propre. Nous faisons partie d’un ensemble. Nous ne vivons pas que pour nous-mêmes. La solidarité et le partage : voilà notre chemin ! 

Notons encore que ce langage en paraboles était parfaitement adapté à l’auditoire du Christ. « Il leur annonçait la parole, selon qu'ils étaient capables de l'entendre. » La Parole divine percute nos vies, mais chacun entend et comprend différemment. Et si nous ne comprenons pas, questionnons directement le Seigneur. Alors, nous aurons assurément des réponses, comme pour les disciples « mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. » Marc 4 : 34.

 

Conclusion :

 

Cette parabole du grain de sénevé nous ouvre des horizons nouveaux. Elle nous révèle la glorieuse victoire de la vie. Elle est appelée à être pleine, mature, sereine et éternelle dans le royaume du Père. A une lecture fermée de la loi prônée par les Pharisiens, le Seigneur a substitué une lecture ouverte en paraboles. Même si cette parabole nous permet d’entrevoir une certaine réalité, n’essayons pas d’imaginer ce royaume à venir, laissons notre porte ouverte à l’émerveillement. L’apôtre dit précisément aux chrétiens de Corinthe : « ce sont des choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment » 1 Corinthiens 2 : 9-13, version LSG. De même que sous terre nous ne pouvons voir la dynamique de la germination, de même nous ne pouvons actuellement pas comprendre ce qui concerne la vie dans le royaume de Dieu, mais une chose demeure certaine : nous assisterons au triomphe de la vie. Elle nous repositionnera avec son auteur. Dans ce royaume   la vie est qualifiée d’éternelle. Appliquons-nous simplement à l’accueillir, et laissons germer ce que Dieu a semé. A chaque stade de son développement cette graine de la foi requiert de l’attention.  Et de même que la plante peut être mise en péril, de même notre foi peut s’éroder si nous n’en prenons pas soin. La vie ne nous appartient pas en propre. Elle a du sens, quand elle est partagée. Notre entourage peut bénéficier de ses bienfaits. Cette œuvre de l’Esprit Saint en nous est appelée à être reconnue, glorifiée, publiée. Alors, comme aux disciples Jésus nous dira :

« vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves ; c'est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur. »  Luc 22 : 28-29, version LSG. L’apôtre Jean avec d’autres symboles décrira la même réalité : « car l'agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » Apocalypse 7 : 17. Et ailleurs : « et j'entendis du trône une forte voix qui disait : voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. Et celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit : Écris ; car ces paroles sont certaines et véritables » Apocalypse 21 : 3-5, version LSG.

                                                                                                                                                                                      Jacques Eychenne

 

PS : TOB, version Traduction Œcuménique de la Bible ; LSG, version Louis Segond 1982 et 2010.

 

 

 

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