L'Evangile selon Marie-Madeleine


 

 

           L’ Évangile

selon

      Marie Madeleine

Introduction :

 

L’Évangile selon Marie-Madeleine a été classé parmi les apocryphes. Rappelons qu’un apocryphe est un écrit non reconnu par l’Eglise chrétienne dans son ensemble, car son authenticité n’a pas été établie. Pourquoi donc le consulter si ce n’est pour être convaincu soi-même, et pointer ce qui nous paraît non conforme à l’enseignement du Nouveau Testament. Avant d’examiner le contenu de cet ouvrage, il me semble nécessaire de s’interroger sur sa provenance, et pourquoi certains médias et auteurs contemporains se sont emparés de son histoire pour affirmer, par exemple, que Jésus était marié à Marie-Madeleine. Cette recherche a pour objectif de développer en nous le sens d’une critique positive selon le conseil de l’apôtre Paul lorsqu’il nous exhorte à : « examinez tout avec discernement : retenez ce qui est bon » 1 Thessaloniciens 5 : 21, version TOB.

 

Développement :

 

Parlons d’abord du document.

Il est commenté en français par Jehanne de Quillan qui en a traduit le texte en partant d’un document grec (1). L’autrice est une chrétienne, en lien avec une communauté dominicaine de la région du Languedoc. Elle se dit elle-même non spécialiste des Écritures, tout en affirmant que l’ouvrage de Marie-Madeleine a une grande valeur historique et scripturaire. Elle affirme en introduction de son ouvrage : « Il est communément admis que l’Évangile selon la Compagne Bien-Aimée aurait voyagé d’Alexandrie jusqu’au Languedoc (alors en Gaule romaine) entre le début et le milieu du 1er siècle. Écrit en grec à l’origine, il fut d’abord traduit en Occitan durant la première moitié du XIIe siècle » l’Évangile selon la compagne Bien-Aimée, p.5.

En réalité, une simple recherche historique sur l’origine de ce document contredit cette hypothèse. Ce que nous savons est un texte, écrit en copte daté de la fin du 2e siècle. Il porte le nom : « l’Évangile de Marie, ou selon Marie ». Il est le premier des quatre textes du codex de Berlin. Il est aujourd’hui conservé au Neues Museum de Berlin. (2). Il est le seul texte apocryphe dont l’autorité s’appuie sur une femme.

Deux autres documents écrits en grec, issu du papyrus Ryland 463 (découvert en 1935) et du papyrus d’Oxyrhynque 3225 (identifié en 1985) et datés du début du 3è siècle, reprennent des portions de l’Évangile selon Marie. En fait, le codex de Berlin a été acheté en Egypte en 1896 par le spécialiste allemand Carl Schmidt qui pensait que ce papyrus avait dû être découvert dans une tombe chrétienne, à Akhmin en Haute-Egypte. Pour lui, son origine exacte reste inconnue et sa datation voisine plutôt le Ve siècle. Il a fallu attendre 1955 pour avoir accès à une édition définitive par Walter Till.

Je n’aurai pas abordé l’étude de ce sujet, si le romancier Daniel Gerhard Brown, dit Dan Brown n’avait publié le « Da Vinci Code » qui révèle à ses lecteurs que Jésus avait une épouse du nom de Marie de Magdala ou Marie-Madeleine. Un thriller réalisé par Ron Howard en 2006 popularisera le fait. Si bien que dans bon nombre de chaumières un Jésus marié est devenu une évidence. Une tradition relève la pratique (aujourd’hui encore) d’une tradition de pèlerinage au Sanctuaire de la Sainte-Baume, connu sous le nom de la grotte de Sainte-Marie-Madeleine, sur la commune de Plan-d’Aups-Sainte-Baume 13780 dans le département du Var. L’histoire nous apprend que Louis IX, roi de France, dit Saint Louis, aurait effectué ce pèlerinage en 1297. Louis XIV, âgé de 21 ans, accompagné de sa mère Anne d’Autriche et de son frère cadet Philippe d’Anjou, serait aussi venu visiter le monastère des frères dominicains près de la grotte de la Sainte Baume. Le monastère conserverait la relique du crane de Marie-Madeleine…

En définitive, l’Évangile rebaptisé de Marie-Madeleine est un ouvrage gnostique comme l’a très bien écrit Michel Tardieu (3) et nous allons démontrer le bien-fondé de cette affirmation maintenant.

N’oublions pas que dans les siècles qui ont suivi la vie de Christ de nombreux ouvrages sont apparus (4). On les a qualifiés de gnostiques, car ils proposaient une voie de salut par la connaissance de Dieu, au travers d’une initiation ésotérique. Ils avaient pour vocation de faire comprendre le sens caché des enseignements de Jésus. Cette prolifération de publications, sensées dire le vrai, a conduit les auteurs à prendre une certaine distance avec les textes des quatre évangiles. Ainsi, Marie-Madeleine est présentée comme un personnage composite qui est à la fois Marie de Magdala, la pêcheresse anonyme du repas chez Simon le pharisien, Marie de Béthanie sœur de Lazare et la pêcheresse.

Devant les difficultés que représente l’Évangile selon Marie-Madeleine, le Vatican n’a pas reconnu la véracité de cet ouvrage. Il n’a fait qu’encourager la tradition populaire la concernant. C’est ainsi qu’en 816, le pape Etienne IV, puis en 878, le pape Jean VIII, visitent la grotte de la Sainte-Baume. Située à près de 950 mètres d’altitude, elle est accessible à pied, en empruntant soit le sentier du Canapé, soit le chemin des Roys.

Me situant dans une démarche apologétique, j’examine avec vous les déclarations que nous trouvons dans l’ouvrage ci-avant cité de Jehanne de Quillan.

Elle rapporte : « Le lendemain, Yohanan vit Yeshua et la femme appelée, Miryam de Béthanie » p.15. Elle est identifiée près de Kefarnahum en Galilée à « la compagne bien-aimée » de Jésus, p.19. Le Seigneur dort chez sa compagne bien-aimée : « Yeshua rentra à Béthanie chez sa compagne bien-aimée, non loin du mont des oliviers » p.43. On la retrouve au repas chez Simon le pharisien, appelé Eléazar. L’auteur cite : « Six jours avant pessah, Yeshua vint à Béthanie où était Éléazar qu’il avait ramené à la vie (sic) », là se trouvaient les disciples et « Marthe, la sœur de la compagne ». Tous étaient à demi couchés pour manger. C’est alors que : « Myriam, la compagne bien-aimée, prit une petite amphore contenant une huile de nard pure et de grand prit et en versa sur la tête de Yeshua ». A cet endroit, Jésus prit sa défense car les disciples maugréaient contre elle, et il dit : « lorsque tous m’auront abandonné, elle seule se tiendra à mon côté…, désormais, elle sera connue sous le nom de la Migdalah (Magdala) »., p. 62. De même, au dernier repas de Jésus avec ses disciples, on retrouve Marie-Madeleine, et c’est elle qui est à table à côté du Seigneur, et c’est aussi elle qui se penche sur la poitrine du Christ : « La compagne, que Yeshua aimait, était à la table, appuyée contre la poitrine de Yesha. Shimon Kefa lui fit signe et lui dit « dis-nous de qui il parle » elle, toujours appuyée contre la poitrine de Yesha, lui demanda : « Rabbouni, qui est-ce ? ». Jésus répond en disant que c’est celui à qui il donne un morceau de pain, et il le donne à Juda, « le fils de Shimon le Kérioth » (sic) p.66. Ailleurs, le texte dit que tous seront dispersés « sauf une », p.70. En fait, c’est encore elle qui rentre dans la cour du grand prêtre parce qu’elle était connue, (ce n’est plus l’apôtre Jean) » p.72. De même à la croix, Jésus ne confie plus sa mère à Jean, mais à la compagne qu’il aimait, p.76.

C’est Marie-Madeleine qui raconte aux disciples ce qu’elle a vu et entendu au tombeau après la résurrection du Seigneur. C’est elle qui « convertit leur cœur au bien » et qui leur explique ce que le Seigneur lui a dit ainsi que la vision qu’il lui a montrée. Il s’agissait d’un arbre à 8 branches maîtresses, dont chacune portait ses propre fruits, p. 80-85. C’est ce message ésotérique qui aurait été le déclencheur de la dispersion des apôtres (sic). Cet évangile selon l’auteure transmis à la compagne bien-aimée « aurait été apporté en Languedoc depuis Alexandrie dans la première moitié du 1er siècle » p.94-95. Autant dire que nous aurions le plus ancien document (cf. p.102) rapportant les paroles de Jésus-Christ, avant même la rédaction des 4 évangiles reconnus. C’est historiquement improbable !

Pour l’auteure, il ne fait aucun doute que le disciple bien-aimé des Evangiles est Marie-Madeleine (cf. p.141). D’ailleurs, l’identification de ce disciple bien-aimé n’est réalisée qu’à partir, selon elle, que d’une seule référence : Jean 13 : 23-25. Ce serait donc l’aversion des Juifs pour l’intimité charnelle, qui serait à l’origine de la modification de l’identité de ce personnage, appelé : bien-aimé (sans e) » par le Christ… Dès lors, comment comprendre que Marie-Madeleine eut été la seule femme présente au repas de la Cène ? Pour répondre, l’auteure émet l’hypothèse suivante : « est-ce qu’une femme, allongée de manière aussi intime aux côtés d’un homme, aurait été plus acceptable au regard des conventions sociales du premier siècle … », p. 157. Sa réponse est oui ! Surtout dit-elle, si elle était intimement liée par des liens familiaux et conjugaux. Et elle affirme : « cette campagne de misogynie, qui dure depuis deux millénaires, s’est avéré efficace puisqu’elle a atteint son but » p. 160, (voire aussi p. 190). Autant dire que l’auteure veut surfer sur le mouvement MeToo

De là à suspecter la véracité du texte de Jean 19 : 25-30, il n’y avait qu’un pas à faire, et elle le franchit aisément. « Je pense que ce passage de l’Evangile selon la Compagne Bien-Aimée offre le compte rendu le plus fidèle de la scène (au pied de la croix), et que Jean 19 : 25-30 est le produit d’un remaniement rédactionnel tardif, accidentel ou délibéré » p.169.

Pour elle, Marie-Madeleine agit « comme l’apôtre des apôtres » p.174,178. C’est à elle que Yeshua aurait transmis le flambeau de la compréhension de son enseignement. Ainsi devient-elle l’apôtre des apôtres ! (Autant dire l’apôtre central des É vangiles) Dans le choix des 12 apôtres, on a un récit fort différent : Myriam de Béthanie (cf. Marie-Madeleine) serait la première nommée. De même à la résurrection, Marie-Madeleine, l’Apôtre des apôtres, la Migdalah, la compagne Bien-Aimée, est présentée comme seule témoin de sa résurrection. C’est elle qui valide tout ce qu’elle a vu et reçu, y compris l’enseignement dernier du Seigneur (cf. p.205). En définitive, ce livre, qui nous est présenté et commenté par l’auteure, revisite et contredit les Évangiles, en présentant Marie-Madeleine comme la première appelée du Seigneur, et la dernière à recevoir son message.

Ce n’est plus l’apôtre Pierre, à qui Jésus confie le troupeau, mais à elle seule. De même, quand Jésus déclare à ses disciples qu’Il ne les laissera point orphelins, le texte de Marie-Madeleine ajoute : « quand un père s’en va, c’est la mère qui prend soin des enfant » p. 179. L’auteure laisse entendre que Marie-Madeleine égale le Saint-Esprit, et que c’est par elle que le Christ, désormais, se révèlera.

En fait, ses visions correspondent bien à l’esprit gnostique des premiers siècles. Sa vision de l’arbre, ou même celle de l’ascension de l’âme, n’apportent rien de nouveau dans une compréhension du salut tel que présenté par Jésus.

 

Conclusion :

 

Même si l’ouvrage est intéressant à lire, il n’en demeure pas moins qu’il s’inscrit bien dans la lignée des textes gnostiques de l’époque. Si de nombreuses paroles de Jésus sont conformes au récit des évangiles, on perçoit l’intentionnalité de l’écrit : corriger le discrédit des hommes sur les femmes dans le milieu juif de l’époque, et revaloriser la relation du Seigneur avec les femmes. Mais nous n’avons pas besoin d’une telle correction ! Une lecture attentive montre que le Seigneur a toujours était attentif à la situation de la femme. La révélation la plus profonde de Dieu a même été faite à la Samaritaine. Cela dit que des sentiments d’amour aient animé la relation de Marie-Madeleine avec son Sauveur quoi de plus normal ! Jean a eu le même privilège et personne ne fait référence à un comportement homosexuel !

La réalité biblique démontre que le Christ a vraiment révolutionné la conception archaïque selon laquelle la femme devait occuper une position négligeable dans la société ; (l’expression : « sans compter les femmes et les enfants » était significative).

S’appuyant sur cette réalité misogyne des institutions religieuses (dans leur ensemble au cours des siècles), l’auteur prend le contre-pied de ce fait historique en portant porter aux nues le statut de la femme d’une manière exagérée et déplacée. Faire de Marie-Madeleine l’épouse de Jésus discrédite, sous un certain angle, son message. La tactique qui consiste à joindre à l’erreur assez de vérité pour la rendre crédible a encore de beaux jours !

Ma modeste contribution est d’éclairer chacun et chacune afin qu’il se construise une opinion personnelle. La guerre d’attrition contre l’erreur demeurera jusqu’à la fin du monde !

« L’erreur ne devient pas vérité parce qu’elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit » Gandhi.

                                                                         

                                                                             Jacques Eychenne


 

PS : (1) L’Evangile selon La Compagne Bien-Aimée, Editions Atharas, 2014, 09000Foix, Ariège, France.

(2) Consulter : Les Manuscrits de Nag Hammadi du Pr James Robinson sur l’Evangile de Marie-Madeleine ; L’Evangile de Marie, Myriam de Magdala, traduit et commenté par Jean-Yves Leloup, Editions Espaces libres.

(3) Michel Tardieu est un exégète et historien français, spécialiste des sciences religieuses, du christianisme et du syncrétisme antiques. Voire : Ecrits gnostiques, Codex de Berlin, éditions du Cerf, 1984.

(4) Parmi les dizaines d’évangiles apocryphes, les plus connus sont : celui de Thomas, de Jacques, de Philippe (ce dernier affirme que le Sauveur embrassait souvent Marie-Madeleine sur la bouche).

 

 

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