La fille de Jephté

ou

 

Le voeu insensé d'un Père

 

Juges 11:29-40

 

 

Introduction :

 

Après avoir lu le récit du vœu de Jephté et pris connaissance des conséquences tragiques pour sa fille unique, on reste perplexe, pour ne pas dire abasourdi.

De suite, plein de questions viennent à notre esprit. On cherche à comprendre ce vœu hâtif et irréfléchi de ce père, mais aucune réponse ne nous semble satisfaisante.

Cela ne peut que nous renvoyer aux aspects déconcertants de la nature humaine et aux diverses situations où l’on joue avec sa vie ou celle des autres. Malheureusement, constatons qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Avant d’analyser ce récit, reconnaissons que l’actualité présente, garde les stigmates de ces décisions irresponsables et dangereuses…      

Nous vivons dans un monde marqué par les défis les plus insensés, les gestes gratuits les plus fous, la mise en place de projets inconsidérés, les paris les plus farfelus et les sacrifices inutiles…

Il suffit de lire le quid des records pour s’en convaincre.

J’ai connu une personne qui voulait améliorer sa santé, et qui, pour connaître son niveau de tolérance aux œufs, en a gobé 2 douzaines…

Dans les faits divers, la presse rapporte fréquemment des récits de paris stupides qui finissent mal :

- boire en un temps record le plus de verres de pastis… (Certains ont succombé après l’exercice.)

- Plonger par bravade d’une falaise d’une centaine de mètres… (Certains ont trouvé la mort, d’autres ont fini tétraplégiques.) Etc.

Les exemples de paris stupides, mettant en danger la vie, sont de plus en plus nombreux.

Parmi les défis les plus saugrenus, citons l’exemple de ce philippin. (J’ai trouvé ce fait divers dans un journal.) Il était dit ceci :

« Un philippin qui avait fait le vœu de se faire crucifier s’il recouvrait la santé à la suite d’une longue maladie, est mort quelques heures après avoir été cloué sur une croix ».

Cet homme avait été condamné par la médecine… Son cas était désespéré, et puis, l’incroyable s’est produit ! Il a été guéri. Mais en mettant à exécution son vœu, il a succombé. Sa guérison n’aura servi à rien… ».

Qu’est-ce qui a bien pu s’élaborer dans l’esprit de cet homme ?

A 32 ans perdre sa vie au moment même où il la retrouvait, c’est plutôt consternant !

 

Bien sûr, ce sont des cas extrêmes, mais aujourd’hui on voit de plus en plus de jeunes et de moins jeunes, se moquer de leur propre vie en prenant des paris insensés. Chaque week-end, les journaux relatent des accidents mortels à la suite de défis. Ce mépris de la vie n’est-il pas le révélateur d’une civilisation malade et sans espérance ?

Nous assistons à une accélération de ces phénomènes. Le jeu du foulard à l’école en est une illustration. Mais de tout temps, les défis insensés ont existé… Et cela nous ramène au récit biblique rapportant le vœu de ce chef en Israël qui exerçait la fonction de juge.

 

Développement :

 

Revenons donc à l’analyse de cette histoire. (Cf. Juges 11 :29-40.)Elle demeure troublante à plus d’un titre :

Jephté avait une responsabilité importante de juge, et de surcroît, il est écrit que l’esprit de l’Eternel était sur Jephté. Autant dire que son rayonnement sur le peuple avait une dimension hautement spirituelle.

Et c’est là que notre incompréhension commence… 

 

Si Jephté était assuré d’avoir l’esprit de Dieu (Cf. Juges 11 :29), pourquoi n’a-t-il pas, par la foi, intégré la victoire sur les fils d’Ammon ? Pourquoi éprouve-t-il le besoin d’être rassuré en faisant ce vœu absurde ?

 

Peut-on être saisi par l’esprit de Dieu et manquer de foi et de discernement ?

Peut-on avoir l’esprit de Dieu et ressentir le besoin d’être rassuré par une démonstration concrète ? 

 

La réponse semble être positive. Plus tard, les disciples auront ce même problème.

Ils avaient suffisamment de foi pour suivre le Christ, mais pas assez pour croire à l’annonce de sa résurrection. Et cela, même après avoir passé plus de 3 ans avec Lui. (C.f Marc 10 :34 ; 16 :14 ; Luc18 :33 ; 24 :41.)

 

Mais revenons au texte des Juges :

 

Supposons maintenant que Jephté n’ait pas manqué de foi, pourquoi donc ce vœu insensé et contraire à la volonté de Dieu ?

Car en fait, en tant qu’homme de Dieu, il devait savoir que les sacrifices humains étaient interdits. La loi de Moïse était suffisamment précise, elle disait :

 

 « Tu ne livreras aucun de tes enfants pour le sacrifier à Moloch » Lévitique 18 :21

Lire aussi Lévitique 20 : 1-8 et Deutéronome 18 :9-12.

 

Le comportement de Jephté pose d’autres questions :

 

Au nom de qui et de quoi pouvait-il disposer de la vie d’une autre personne, fut-elle sa propre fille ?

Peut-on vouloir servir Dieu et faire le contraire de sa volonté ?

 

A cet instant, ne convient-il pas de prendre en compte que la confusion entre nos ambitions personnelles, ou même simplement nos désirs de bien faire, révèlent que nous allons à l’opposé des desseins de Dieu ?

Les exemples sont nombreux dans l’histoire biblique, mais encore aujourd’hui dans nos vies. Souvenons-nous de Jonas, qui part en sens contraire de la bonne direction que Dieu lui avait tracée ; de Balaam, ce prophète de Dieu, qui au lieu de transmettre ce que Dieu lui avait dit, fait exactement tout le contraire par intérêt personnel.

Sommes si différents de ces gens là ? Romains 3 :9-12.

 

L’important n’est-il pas de prendre conscience de cette réalité ? Quoique l’on puisse penser, les croyants ne sont pas fondalement différents de ceux que l’on appelle les païens. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres, même si certains en caressent l’illusion.

Notre seule force est de reconnaître notre vraie nature, comme Paul dans Romains 7, et de nous en remettre sincèrement à Celui qui peut nous recadrer, nous repositionner, nous remettre en bon chemin.

C’est peut-être pour cela que l’apôtre Paul parle du salut dans l’espérance. Romains 8 :18-25

Notre salut ne dépend pas de la réalité mauvaise de nos actions, sinon aucun d’entre nous ne serait sauvé. Il dépend d’une reconnaissance de notre vraie condition.    Elle permet à notre foi de saisir une réalité qui est à venir. La promesse est dans le présent, mais la réalité est à venir.

 

Mais revenons encore au cas de Jephté.

Son vœu insensé l’a conduit à un sacrifice inutile. Il a sacrifié pour rien sa fille unique.

On ne connaît pas son nom, mais soulignons en caractère gras son comportement admirable. Pas de rébellion, ni de reproche. Elle affirme sa solidarité avec le choix du Père. En cela, elle est pour moi un type de Christ. Sa soumission à la volonté de son père ira jusqu’à la mort. Cela nous remet aussi en mémoire le comportement d’Isaac dans des circonstances similaires.

Bien sûr Jephté a fait un vœu très imprudent, mais au-delà du fait, quel contraste avec l’action de Dieu qui offre son fils en sacrifice pour le salut du monde. (Cf. Jean 3 :16)

C’est toute la différence qui se trouve là, exprimée entre l’humain et le divin.

L’homme est capable de nombreux sacrifices pour rien, alors que Dieu donne son fils en sacrifice, pour tous les humains. Mais, devons-nous être désemparés par une telle réalité? Absolument pas !

Il faut affronter l’évidence du décalage qui existe entre le Créateur et sa créature et en tirer toutes les conséquences positives…

 

La toute première application pratique est de prendre acte de la réalité de ce décalage. Esaïe a raison de rappeler :

« Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies dit l’Eternel, autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées ». Esaïe 55 :8,9.

 

La deuxième application pratique est de remédier à cette situation, en nous adressant à Celui–là seul qui peut résoudre nos problèmes avec une implication personnelle. Il n’est point question d’éluder la question de notre propre responsabilité et notre nécessité de faire des choix.

 

David donne la solution : « Sonde moi, ô Dieu, et connais mon cœur ! Eprouve moi et connais mes pensées ! Regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis moi sur la voie de l’éternité ». Psaume139 :23-24.

 

Il faut savoir arrêter le jeu des sacrifices inutiles pour plaire à Dieu; il faut arrêter de mendier sa clémence ou penser secrètement que nous avons des droits vis-à-vis de Lui. Il n’y a pas de marchandage dans une vraie relation spirituelle… Par contre, il y a la confiance, et c’est tout ce qui fait la différence.

 

Les sacrifices inutiles, les paris fous, les défis insensés font tous référence à la vanité humaine. Elle se déploie pour démontrer que nous sommes assez grand pour savoir ce que nous avons à faire. L’histoire de ces tentatives touchantes mais vaines nous montre les limites de notre sagesse. Sur un plan plus général, un tel état d’esprit conduit inéluctablement ce monde vers son déclin. Il n’y a donc pas d’espérance en l’humain…

Saisissons cette occasion pour manifester notre humilité. N’hésitons pas à prendre cette initiative. Reconnaissons que nous avons du mal à bien diriger notre vie et acceptons l’aide de Celui que nous appelons notre Père. C’est ici le commencement de la sagesse…

Salomon dans les Proverbes nous montre le chemin :

« Les projets que forme le cœur dépendent de l’homme, mais la réponse que donne la bouche vient de l’Eternel. Toutes les voies de l’homme sont pures à ses yeux ; mais celui qui pèse les esprits, c’est l’Eternel. Recommande à l’Eternel tes œuvres et tes projets réussiront ».

Proverbes 16 :1-3.

Lire aussi Psaumes 24 :4-5,12-13 ; 27 :1-4,14 ; 30 :12-13…

 

Maintenant, abordons un autre aspect du problème posé par le vœu insensé de Jephté. Sans aller dans des défis insensés ou des paris fous, il y a aussi dans l’autre sens, un autre piège plus subtil : Celui de faire à Dieu des vœux à la légère. Que dit Salomon sur le sujet :

Proverbes 20 :25 ; Ecclésiaste 5 :3-4.

 

Faire des vœux à la légère, c’est être léger dans notre relation à Dieu. Il y a nécessité à apprendre à être cohérents et responsables. C’est le prix de la bonne relation à Dieu, étant entendu que l’on ne peut pas se moquer de Lui impunément ! (Cf. Galates 6 :7)

Cela sous-entend qu’il est prudent de ne pas prendre d’engagement sous le coup d’une émotion occasionnelle, porté par le talent oratoire de certains prédicateurs, ou emporté par le charisme oratoire de tel homme ou femme politique. En période d’élection, il est utile de ne pas être dupe des envolées lyriques.

 

Notre liberté de décision ne peut pas faire l’impasse d’une réflexion sérieuse, et d’un sens critique positif. (La foi n’a rien de commun avec la crédulité !)

Si Jephté avait pris cette précaution, il ne serait pas enferré dans cette situation paradoxale : sacrifier la vie de sa fille unique parce que Dieu avait répondu à son désir de victoire sur les fils d’Ammon.

 

Devant ce cas énorme, on ne peut s’empêcher de réfléchir à notre compréhension plus ou moins fantaisiste de la volonté de Dieu pour nous, et à fortiori pour les autres ?

 

Quelque soit notre maturité spirituelle, laissons-nous interpeller par un appel à plus de prudence et de sagesse… Reconnaissons sincèrement que le sujet du discernement de la volonté de Dieu pour soi est le plus difficile à résoudre. Pourquoi ?

Parce que d’une part, nous ne savons pas définir exactement ce qui est bon pour nous, et d’autre part, parce que nos demandes sont trop dépendantes de nos visions à court terme, souvent mal formulées.

L’apôtre Jacques écrit :

 

 « Vous demandez et ne recevez pas parce que vos demandes ne visent à rien de mieux que de dépenser pour vos plaisirs » Jacques 4 : 3 ( version la T.O.B)

 

Faut-il, dès lors ne présenter aucune demande à Dieu ? Certes non !

Mais encore faut-il assortir nos prières de la nécessaire soumission à la volonté de Dieu!

Le Seigneur lui-même ne nous a-t-il pas conseillé de dire :

 

«  Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… » . Petit détail dans l’original : «  comme au ciel sur la terre ». C'est-à-dire que cela part du ciel.

Cela sous-tend pour moi l’idée que nous faisons partie d’un ensemble et qu’il convient de ne pas tout ramener à notre petite personne…

 

En fait, quand on est profondément dans la confiance en Dieu la question de sa réponse ou non-réponse ne pose plus problème.

Si on prend en considération son amour, comment ne pas croire que Dieu répond toujours à nos prières même si nous ne voyons pas toujours visiblement sa réponse.  Ne pensez-vous pas que sa non-réponse est parfois la meilleure des réponses ?

 

Conclusion :

 

Dépouillons nous donc de tous nos défis d’orgueil et de toutes nos prières insensées (Cf. Jacques 3 :13-18) et faisons totalement confiance à Dieu notre créateur, mais aussi et surtout à notre père.

Lisons en conclusion ces textes :

 

« Ne crains rien, car je suis avec toi ; ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu ; je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens par ma droite triomphante ». Esaïe 41 :10

 

« Quand les montagnes s’éloigneraient, quand les collines chancelleraient, mon amour ne s’éloignera point de toi, et mon alliance de paix ne chancellera point…Bannis l’inquiétude, car tu n’as rien à craindre ».Esaïe 54 :10, 14.

 

«  L’Eternel est ma lumière et mon salut : De qui aurais-je crainte ? L’Eternel est le soutien de ma vie : De qui aurais-je peur ? Psaumes 27 :1

 

« Tous ceux qui espèrent en l’Eternel ne seront point confus ». Psaume 25 :3

« Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage… pour moi, m’approcher de Dieu c’est mon bien : Je place mon refuge dans le Seigneur, l’Eternel ». Psaume73 :26,28.

 

Ainsi, l’histoire de Jephté nous aura permis de faire un détour pour nous recentrer sur la bonne relation de confiance. Seule la fille de Jephté en a fait une merveilleuse démonstration.

Ce récit nous aura sensibilisé à l’importance d’une parole donnée avec le rappel à la sagesse et au discernement. A cette fin, faisons aussi mémoire de tous nos paris stupides. Essayons d’éviter nos défis irréfléchis. Recentrons-nous sur une relation qui accorde à Dieu la première place en tout et sur tout, dans une recherche de soumission à sa volonté.

 

                                                                                    Jacques Eychenne

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